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L’installation permet une production d’électricité de 250 kW/heure. Photo Arnaud Bastion

Les dômes de méthaniseurs se sont multipliés dans les paysages ruraux. Ces projets avaient pour ambition de réduire l’émission de gaz à effet de serre des exploitations agricoles tout en augmentant leur rémunération via la revente du gaz ou de l’électricité produite. Mais avec la hausse du coût de l’énergie, la rentabilité de ces installations, qui ont besoin de courant pour tourner, n’est plus aussi évidente.

Une modification des contrats ?

Florent Chapelotte, agriculteur à Balaiseaux et président de la société RBB Énergie qui exploite une unité de méthanisation à Rahon avec sept autres agriculteurs du coin, le constate. « Ce n’est pas aussi rentable que prévu. À la mise en service, en 2019, nous achetions l’électricité 0,10 euro du kW/h pour une revente à 0,21 euro. Au 1er  janvier 2024, le prix sera de 0,17 euro à l’achat et de 0,24 euro à la revente », détaille l’éleveur qui détient, avec ses associés, 80 % des parts de RBB Énergie. Le bureau d’études Opale qui a piloté le montage du projet détient 15 % et la communauté de communes de la plaine jurassienne 5 %. Pour le moment, le contrat qui lie RBB Énergie à EDF stipule que la totalité de l’électricité produite doit revenir à l’entreprise publique. Mais avec la réduction des marges inhérente à l’inflation, les contrats sont en passe d’être modifiés.

Un geste de la part d’EDF

« L’AAMF (association des agriculteurs méthaniseurs de France) s’est rapprochée du ministère de la Transition énergétique. Pour les unités en cogénération (lire par ailleurs), les prochains contrats vont permettre l’autoconsommation d’une partie de la production. Pour nous, cela implique des travaux pour créer un second circuit sur le moteur. Pas sûr que l’opération soit rentable. En revanche, EDF a fait un geste sur le chiffre d’affaires (CA) déjà réalisé », relate Florent Chapelotte.

Résultat ? Le premier fournisseur d’électricité français a permis aux sociétés de méthanisation de retoucher 3 % de leur CA sur le second semestre 2022 et 10 % sur l’année 2023. Malgré ce coup de pouce, les agriculteurs s’interrogent quant à l’avenir du site qui a coûté 2,5 millions d’euros. « L’investissement a été important. Les débuts ont été difficiles avec des soucis liés à la conception. L’activité reste pérenne car nous sommes autonomes (lire par ailleurs), mais après 4 ans de fonctionnement, nous n’avons pas réussi à dégager les sommes attendues », déplore Florent Chapelotte.

Vers une cession aux géants de l’énergie ?

Deux options se dessinent. La première consiste à maintenir le cap mais la maintenance obligatoire d’une partie du matériel, imminente, va occasionner des frais. « En 2026, il va falloir changer le moteur. C’est 350 000 euros », lâche Florent Chapelotte. La seconde est la cession de la société. L’option n’est pas d’actualité mais bel et bien envisagée. « Les géants de l’énergie, comme Veolia ou Total Énergie s’intéressent aux rachats de méthaniseurs. Nous avons été approchés. A priori, ils souhaitent modifier l’installation pour se concentrer sur le biogaz, plus rentable, et le réinjecter directement dans le réseau », détaille-t-il. Dans ce cas, les agriculteurs continueraient d’apporter fumier et lisier et d’utiliser les résidus de fermentation. Mais c’en serait terminé de cette fameuse diversification de revenus promise initialement.

La méthanisation, comment ça marche ?

L’unité de méthanisation de Rahon est utilisée par huit fermes situées dans un rayon de 3 km qui produisent du lait en polyculture-élevage. Pour faire fonctionner le système les agriculteurs apportent en moyenne, chaque jour, 35 tonnes de matière organique. Fumier, lisier et ensilage de sorgho et de seigle. En fonction de la quantité de gaz présente dans la cuve de fermentation, ils ajoutent jusqu’à 500 kg de farine périmée par jour. On trouve aussi de la matière stercoraire (résidu d’aliments de la panse des bovins abattus) pour environ 430 kg par jour en moyenne. L’ensemble de ces matières sont chauffées et brassées à l’abri de la lumière et de l’oxygène dans une cuve appelée digesteur. Ce processus génère du méthane et du dioxyde de carbone : le biogaz.

Une moyenne de 6 000 kW par jour

Il est stocké sous la coupole, partie supérieure du digesteur, et sert ensuite de carburant à un moteur permettant la cogénération de chaleur et d’électricité. En moyenne, le site produit 6 000 kW/jour, soit un peu plus de 2 millions de kW/an, revendu à EDF. « Cela correspond à peu près à la consommation annuelle de Rahon, Balaiseaux et Saint-Baraing », illustre Florent Chapelotte. L’agriculteur indique que le biogaz produit permet de générer 48 % d’électricité et 52 % de chaleur. Sur cette dernière partie, RBB Énergie est à la recherche de clients qui auraient des besoins de séchage afin de valoriser cet excédent de chaleur non utilisé.

Quant aux résidus de fermentation (digestat solide et liquide), ils sont récupérés par les agriculteurs associés pour épandage dans leurs cultures. « Ces apports en engrais d’origine naturelle sont autant d’engrais chimiques à ne pas acheter, explique le président de RBB Énergie, en spécifiant que, sans le méthane, ces matières ne rejettent aucune mauvaise odeur et émettent peu voire pas de gaz à effet de serre par rapport à l’épandage de fumier ou lisier classique ». À noter qu’il existe aussi des systèmes qui injectent directement le biogaz dans le réseau sans passer par la production d’électricité.

Le cours des biodéchets s’est aussi envolé

Les huit exploitations agricoles sociétaires de RBB Énergie, hormis le maigre apport en farine périmée qui vient des Moulins de Parcey et la matière stercoraire des abattoirs de Lons-le-Saunier et Champagnole, sont totalement autonomes pour alimenter l’unité de méthanisation. Le fumier et le lisier proviennent de leurs élevages. L’ensilage de sorgho et de seigle de leurs terres. Sur un parcellaire total de 850 hectares sur les huit fermes, 28 hectares sont consacrés à la culture de ces céréales nécessaires au fonctionnement du digesteur.

« La plupart des biodéchets peuvent être utilisés comme intrants de méthanisation. Mais les prix ont explosé. Au début, certaines sociétés devaient payer pour que leurs biodéchets soient traités. Avec ce système, on pouvait les en débarrasser gratuitement. Mais avec la demande grandissante, beaucoup en ont profité et ont affiché des prix de plus en plus exorbitants », analyse Florent Chapelotte, bienheureux de ne pas dépendre de ces biodéchets pour la bonne marche du méthaniseur.

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