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| La Tribune | News


Les déclarations de Monsieur Morin

Ouest France le 11 avril 2018


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Trop de cultures alimentaires servent à produire du biogaz, selon la Région Normandie. En réaction, son président ferme le robinet des subventions aux méthaniseurs dans l’attente de contrôles renforcés par les services de l’Etat.

Coup de semonce pour la filière biogaz. Depuis la semaine dernière, la Région Normandie ne verse plus un centime aux nouveaux projets de méthanisation qui lui sont soumis. Rien, nada, nous assure t-on. Par ricochet, les aides européennes du Feder pour ce secteur gérées par ses soins sont également suspendues jusqu'à nouvel ordre. La raison invoquée ? Le déficit de contrôles pour encadrer cette filière en très forte expansion.

La Région pointe en particulier le recours croissant de certains exploitants à des cultures alimentaires en lieu et place des effluents (fumier, lisier...) ou des déchets que les méthaniseurs sont censés transformer. « La méthanisation doit être au service de l'agriculture et non l'inverse », résume Hubert Dejean de la Bathie, vice-président en charge de la transition écologique et énergétique.

Une décision inédite

La polémique n'est pas nouvelle. Le détournement de la production agricole à des fins énergétiques est régulièrement dénoncé par les associations écologistes et par des collectifs militants. Mais c'est la première fois à notre connaissance qu'une collectivité adopte des mesures coercitives. Pour justifier cette décision inédite, son président invoque une montée en puissance du phénomène.

« De plus en plus de témoignages me parviennent d'acteurs locaux et d'agriculteurs sur des dérives dans l'usage fait des méthaniseurs »tempête t-il.

Hervé Morin incrimine notamment l'utilisation abusive du maïs -une plante connue pour son super pouvoir méthanogène- en contradiction avec la réglementation française. Pour rappel, un décret datant de 2017 interdit d'utiliser plus de 15% de  cultures alimentaires à des fins de production de biogaz.

La crainte d'un scénario à l'allemande

Au passage, l'ancien ministre de la défense pointe le risque d'un « virage à l'allemande » : pays où les cultures dédiées à la méthanisation prospèrent limitant d'autant la production à vocation alimentaire. Ces excès encouragent le développement du maïs au détriment d'une diversification des cultures, s'insurge t-il.

« De nombreux producteurs de maïs nous signalent des propositions d'achat de la part d'exploitants de méthaniseurs à des prix deux fois supérieurs au prix du marché agricole. Par conséquent, on voit des agriculteurs étendre leurs surfaces en maïs ».

Pour Clothilde Eudier, vice-présidente en charge de l'agriculture, le phénomène impacte en premier lieu les éleveurs confrontés à une hausse des coûts du fourrage.

« La Normandie est une terre d'élevage. Cette spéculation sur le prix du maïs n'est plus possible ».

Pour des contrôles renforcés

Face à cette situation, la Région indique qu'elle ne rétablira ses aides qu'après que les services de l'Etat auront effectué des contrôles de vérification sur « tout ou partie » des 35 unités de méthanisation auxquelles la collectivité a apporté son concours financier depuis 2016 (pour un montant de 50 millions d'euros). « C'est à l'Etat qu'il incombe de vérifier la bonne application des règles. Aujourd'hui, les contrôles se limitent à du déclaratif, ce qui permet aux contrevenants de faire n'importe quoi », relève Hubert Dejean de la Bathie.

Reste à voir si le préfet cédera aux demandes de l'exécutif régional. Connaissant les moyens limités des directions de l'agriculture, rien n'est moins sûr. Hervé Morin, qui avait déjà signalé des dérives  à la préfecture de Région en 2022, admet d'ailleurs n'avoir reçu aucune nouvelle des services concernés depuis cette date. Son coup d'éclat en faveur d'une « méthanisation raisonnée et raisonnable » aura-t-il plus d'effet cette fois ? Bien malin qui pourrait l'assurer. En attendant, l'initiative a le mérite de remettre un sujet sensible sur le devant de la scène.

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