Climat : les méthaniseurs, un procédé écolo mais très contesté
Verte et pourtant contestée : telle est l'histoire de la méthanisation... Ce procédé visant à générer du gaz décarboné à partir de la dégradation de matière organique fait florès dans les campagnes françaises ces dernières années. Les projets se multiplient, suscitant au passage l'émoi de riverains qui redoutent cette présence de méthaniseurs près de chez eux. Ces installations en lisière de villes ou de villages sont rejetées par des habitants qui refusent leur nuisance sonore et olfactive.
Il s'agit pourtant d'une réponse du monde agricole aux impératifs de la transition énergétique et aux attentes sociétales. Les mêmes personnes qui défendent la neutralité carbone et l'emploi de proximité s'avèrent être parfois celles qui n'en supportent pas le bruit et l'odeur. Ces problèmes de voisinage révèlent à quel point les mesures en faveur du climat et l'enjeu de la réindustrialisation sont semés de multiples embûches. Sans doute d'ailleurs que les méthaniseurs témoignent plus largement d'un état de la société où deux dynamiques sont mutuellement contrariées : le vivre-ensemble et le faire-ensemble.
Expliquons-nous. Les Français adorent leurs agriculteurs. Mais surtout quand ils ne vivent pas trop près d'eux. Certains parmi leurs contempteurs en oublient leur rôle essentiel et leur contribution à notre sécurité alimentaire, plus élevée que jamais. Il n'est pas question ici de nier que l'agriculture (sylviculture comprise) est encore responsable de 20 % des émissions de CO2 du pays. Mais le volume de ces émissions a baissé de 10 % depuis 2000. C'est insuffisant mais loin d'être négligeable. Les mondes agricoles, dans leur grande diversité, s'évertuent à contribuer à la lutte contre les changements climatiques, en modifiant leurs pratiques, en réduisant les intrants et en stockant du carbone. Avec la méthanisation, ils participent également aux efforts relatifs à la décarbonation du gaz et donc à la transition énergétique.
L'agriculture à l'avant-poste de la transition
Loin d'être étrangère à la production des énergies bas carbone, l'agriculture en est à l'avant-poste. Alors que sa part dans la consommation finale d'énergie totale en France avoisine les 3 %, elle grimpe à 20 % sur la production renouvelable dans le pays. L'agriculture a besoin d'énergie mais en génère beaucoup, et surtout de la verte ! De plus en plus d'exploitations sont impliquées dans ce mouvement, désormais connu sous le terme d'énergiculture. S'y retrouvent les biocarburants et l'éolien, dont l'écrasante majorité produite en France est accueillie sur les sols de l'agriculture, avec respectivement 95 et 80 %. L'agrivoltaïsme permet de son côté au secteur de fournir 15 % de l'énergie solaire nationale.
La méthanisation émane, elle, à 30 % des agriculteurs. La boucle est plusieurs fois vertueuse. L'utilisation de déchets végétaux et animaux issus de l'agriculture pour produire de l'énergie produit également de la chaleur, laquelle peut être destinée aux foyers de communes avoisinantes. Qui peuvent ainsi se chauffer sans se soucier de savoir si la Russie fermera ou non ses robinets vers l'Europe. A ce stade, notons aussi que la méthanisation semble plus concrète et facile à soutenir que la filière hydrogène pourtant lénifiée. Il convient enfin de souligner que cette énergie produite et vendue génère des compléments de revenus pour des agriculteurs qui en ont bien besoin.
Attention aux conflits d'usage
Rappelons toutefois que ces dynamiques ne sauraient être exclusives : l'énergiculture ne peut substituer complètement la vocation nourricière de l'activité agricole. Des équilibres doivent être trouvés en fonction des territoires et des accès à la biomasse, qui sera très convoitée à l'avenir pour l'utilisation en biocarburant. De même, il serait préjudiciable de voir des géants de l'énergie s'approprier ce pouvoir vert au détriment des intérêts des agriculteurs. C'est aussi cela le faire ensemble : réfléchir sans cesse aux interactions des uns avec les autres pour viser des progrès collectifs et cohérents.