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« Nos inquiétudes étaient fondées » : la justice retoque un méthaniseur, une première dans l’Oise


| Le Parisien | News
Plusieurs manifestations ont traduit l'opposition d'une grande partie des habitants d'Auneuil au projet de méthaniseur agricole

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Depuis près de 5 ans, 17 agriculteurs et un collectif d’opposants s’affrontent sur l’installation d’une unité de méthanisation à Auneuil (Oise). Une nouvelle décision de justice met un coup de frein au projet.

C’est une décision qui fera date. À l’heure où des contestations s’élèvent un peu partout contre des projets de méthaniseur, celle qui dure depuis près de cinq ans, à Auneuil (Oise), vient de franchir une nouvelle étape. Pour la première fois dans l’Oise, une décision de justice vient mettre un coup de frein à un projet en cours. Alors que le chantier devait débuter dans les prochaines semaines, ce dernier vient d’être stoppé par la cour d’appel de Douai (Nord).

Pour les opposants, réunis au sein de l’Association contre l’implantation du méthaniseur à Auneuil (Acima), cette décision réaffirme le droit fondamental des citoyens à « un environnement sain et protégé ». « Depuis des années, nous nous battons avec conviction, rappelle Sébastien Nahacz, secrétaire d’Acima. Notre combat n’a jamais été celui du refus du progrès, mais celui de la cohérence environnementale et du respect des équilibres locaux. Aujourd’hui, la justice reconnaît que nos inquiétudes étaient fondées. »

« J’ai du mal à comprendre »

Une victoire qui n’était pas gagnée d’avance. À deux reprises, en 2024 et 2025, le tribunal administratif d’Amiens (Somme) avait en effet donné raison aux porteurs du projet. Deux jugements qui viennent donc d’être invalidés, tout comme l’arrêté préfectoral du 31 mai 2023 autorisant la construction d’une unité de méthanisation à Auneuil. Pour les 17 agriculteurs de Biogaz 60, porteurs du projet, le coup est d’autant plus rude qu’il est inattendu.

« J’ai du mal à comprendre, confirme Hans Dekkers, l’un des exploitants concernés, par ailleurs ancien maire d’Auneuil. Il n’y a pas une motivation qui soit recevable. Ce jugement est un procès d’intention. »


Qu’en est-il sur le fond ? Les opposants, eux, se réjouissent d’autant plus que les motivations avancées par la cour d’appel sont essentiellement d’ordre environnemental. Pour la justice, En se plaçant sous les 100 tonnes de matières traitées (99,7 tonnes) traitées chaque jour, Biogaz 60 espérait éviter une étude d’impact environnementale. Dans son jugement, la cour a néanmoins rappelé que l’ampleur des matières traitées entraîne « la réalisation systématique d’une étude d’impact ».

Cette dernière aurait pu démontrer des risques liés à cette implantation sur la faune et sur l’eau de la nappe phréatique qui coule à proximité du site. En effet, le méthaniseur devrait être implanté à 200 m d’une zone Natura 2000, la « Cuesta du Bray », qui abrite cinq espèces protégées sur lesquelles « le méthaniseur est susceptible d’avoir des incidences », écrit la cour, qui regrette également que le dossier se montre un peu « lacunaire ».

« Une atteinte excessive à la sécurité publique »

Quant à l’impact sur l’eau, la justice s’appuie sur les conclusions d’un hydrogéologue agréé qui mettait en avant « une incertitude » sur l’impact du site sur les eaux souterraines, préconisant là encore des études plus poussées. La cour a suivi son avis et a estimé que les prescriptions n’étaient pas de nature à permettre « une protection suffisante de la ressource en eau ».

La circulation des camions est également pointée du doigt, la cour d’appel jugeant « insuffisants » la réalisation d’aires de croisement et l’aménagement d’une intersection avec une départementale (D2), tel que prescrits par la préfecture. Évoquant « une atteinte excessive à la sécurité publique », la juridiction préconise « l’élargissement et la viabilisation » du chemin d’accès pour permettre le passage d’un maximum journalier de 102 camions en avril et en mai.


Et maintenant ? Les porteurs du projet envisagent un recours devant le Conseil d’État. « On va regarder ça avec nos avocats, annonce Hans Dekkers. Si ce qu’affirme le juge sur l’eau était avéré, je ne me serais jamais lancé dans ce projet. Aucune source exploitée par les forages n’est impactée par le méthaniseur. Si on avait commis une erreur, je ne m’acharnerai pas. Ce n’est pas le cas et c’est nous qui allons nous opposer cette fois-ci. »

« C’est la preuve qu’il ne faut pas désespérer »

Une éventuelle suite judiciaire qui sera observée de près, dans le département, particulièrement concerné par les installations de méthaniseurs. Si la préfecture de l’Oise n’a pas été en capacité, ce lundi 17 novembre, de fournir des chiffres actualisés, déjà 22 unités étaient en fonctionnement, en 2022, tandis que sept étaient en cours d’installation.

Si toutes n’ont pas fait l’objet d’une contestation locale, cela reste régulièrement le cas. Ainsi, pour les associations environnementales et autres collectifs d’habitants, l’exemple d’Auneuil n’est pas dépourvu d’intérêt.

« Ce n’est pas souvent qu’on gagne sur ce genre de dossier et concernant un méthaniseur, c’est même une première dans l’Oise, se félicite Didier Malé, président du Regroupement des organismes de sauvegarde de l’Oise (Roso). Je constate qu’il a fallu aller jusqu’à Douai pour obtenir cette décision et annuler deux jugements prononcés par le tribunal administratif d’Amiens. C’est la preuve qu’en matière de protection environnementale, il ne faut pas désespérer. » 

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