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La Cour des comptes pointe du doigt le coût des soutiens au biogaz déjà engagés. Elle s'interroge également sur les objectifs à venir et sur le dispositif des certificats de production de biogaz, qui doit prendre le relai des contrats d'achat.
La Cour des comptes « s'interroge sur l'efficience des soutiens financiers apportés au développement de la [méthanisation agricole] au regard des coûts de production de cette énergie », indique la juridiction financière dans un rapport consacré aux soutiens publics au biogaz, publié le 6 mars. Elle y note que « les politiques publiques menées jusqu'à aujourd'hui ont permis, au moyen d'importants fonds publics, le développement de cette énergie renouvelable », mais elle se questionne sur l'efficience de ces soutiens financiers qui ont essentiellement profité à la méthanisation agricole. Ils ont ainsi permis, à fin 2023, d'accompagner le développement de 1 911 unités de méthanisation, « principalement agricoles et de petite ou moyenne taille », pour une production totale de 12 térawattheures (TWh) de gaz et d'électricité. En 2023, la production de biométhane injecté s'est élevée à 9,1 TWh, soit 2,5 % du gaz consommé en France.
Mais ce soutien s'est fait à un coût élevé (au minimum 24,5 milliards d'euros pour les contrats signés jusqu'au début de 2023), auquel s'ajoutent des exonérations fiscales et des aides diverses, note la Cour. Or, ces aides se sont traduites par des rentabilités excessives dans certaines installations, notamment pour les contrats d'achat signés avant 2020.
“ Les objectifs de production de biogaz tiennent insuffisamment compte des conséquences de la baisse future de consommation de gaz naturel ”
Cour des comptes
La juridiction souligne les bénéfices environnementaux de la méthanisation. Son soutien a notamment permis d'apporter de la valeur ajoutée dans les exploitations agricoles et a contribué à la gestion des déchets, mais sans que ces apports aient été sérieusement évalués, regrette la Cour, qui préconise de le faire. Elle s'interroge également sur la pertinence d'un maintien du soutien à la cogénération et préconise d'en évaluer les cobénéfices.
Des doutes sur les objectifs et les modalités de soutien à venir
Le projet de programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) prévoit d'atteindre 50 TWh d'ici à la fin de la décennie, un chiffre qui pose question à la Cour des comptes. Cette dernière estime que « les objectifs de production de biogaz tiennent insuffisamment compte des conséquences de la baisse future de consommation de gaz naturel (effets sur la gestion des réseaux de gaz, sur la gestion des pics de consommation énergétiques) ». Elle préconise donc d'approfondir les travaux de prospective sur le mix énergétique complet, en associant les gestionnaires de réseaux de gaz et d'électricité. Elle pointe du doigt également les tensions à venir sur les ressources et s'interroge sur la disponibilité de la biomasse (matières et déchets organiques) à l'horizon 2030.
Enfin, elle s'interroge sur le coût du futur dispositif de soutien et sur ses impacts sur la filière. « À partir de 2026, un nouvel outil viendra compléter les mesures de soutien : les certificats de production de biogaz. S'il présente l'avantage de ne pas mobiliser de nouveaux fonds publics, il fera supporter au consommateur le surcoût de production. La Cour regrette qu'une évaluation robuste de l'impact de ce dispositif sur les prix du gaz n'ait pas été conduite en amont de son déploiement. » Elle déplore que les conditions de bon fonctionnement et de contrôle de ce marché n'aient pas encore été définies et propose de fixer des objectifs de certificats à l'horizon 2035 en fonction des cibles atteignables et du coût pour les consommateurs. Par ailleurs, ce nouveau dispositif pourrait faire évoluer le type d'installations soutenues et tendre vers une industrialisation de la filière, s'appuyant sur des installations plus grandes et portées par des acteurs non agricoles. Dans ce cas de figure, la Cour pose la question du partage de la valeur avec les agriculteurs fournissant les intrants.