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Disparition programmée des petits et moyens méthaniseurs agricoles


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Selon un rapport de la Cour des comptes, les nouveaux dispositifs de soutien à la production de biogaz couplé à un objectif ambitieux de 50 TWh à l’horizon 2035 sont de nature à entraîner un changement structurel de la filière, aujourd’hui centrée sur des méthaniseurs agricoles, en favorisant les installations de grande taille.

La crise des prix de l’énergie qui a éclaté en 2021 a renforcé la volonté de soutenir la production de gaz renouvelable. « La production de biogaz permet de répondre à de multiples objectifs de politique publique : la décarbonation de la production d’énergie, la transition agroécologique et la résilience des exploitations agricoles, la gestion et le traitement des déchets », explique la Cour des comptes dans un rapport publié le 6 mars 2025.

Issue du processus de méthanisation, la production de biogaz fournit une énergie renouvelable utilisée pour produire de l’électricité ou de la chaleur, via la cogénération, ou injectée directement dans le réseau de gaz après épuration sous forme de biométhane. Depuis quelques années, la filière fait face à une baisse des aides de la part des pouvoirs publiques, en particulier pour les unités en cogénération, ce qui freine son développement.

Une multiplicité des modalités de soutien

Des dispositifs multiples de soutien ont permis l’émergence de la filière en France, avec aujourd’hui plus d’un millier de méthaniseurs, « essentiellement de nature agricole et de taille modeste ».

Comme pour les autres énergies renouvelables, le développement de la méthanisation a été soutenu en premier lieu par la mise en œuvre de tarifs d’achat de l’énergie produite (gaz ou électricité), financés par le budget de l’État. « Au titre des années 2011 à 2022, le montant de ces charges s’élève à 2,6 milliards d’euros. Ces tarifs d’achat garantis ont été couplés à des subventions d’investissement allouées par l’agence pour la transition écologique (Ademe) et par les régions, à hauteur de 0,5 milliard d’euros entre 2019 et 2023 », détaille le rapport de la Cour.

En outre, des modalités de soutien additionnelles ont été mises en place telles que des exonérations d’impôts locaux ciblées sur la méthanisation dite « agricole » (portée par des agriculteurs) ou des facilités accordées pour le financement des projets.

Tous ces dispositifs ont été orientés vers les petites et moyennes unités agricoles, même s’ils ont permis de développer la filière à travers tous les types d’installations. « Il en résulte un paysage français de la production de biogaz original au regard des pays européens comparables, davantage assis sur des installations agricoles, de taille petite ou moyenne », relève la Cour.

Une nouvelle politique axée sur les certificats de production

La troisième Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) et la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) prévoient « un important développement de la production de biogaz », avec une production cible de biogaz de 50 TWh à l’horizon 2035.

Mais le coût budgétaire au dispositif de soutien à la filière est significatif, selon la Cour. Elle explique : « les engagements pris au titre des tarifs d’achat contractualisés à fin 2022 (pour des contrats de 15 à 20 ans) représenteraient encore entre 12,7 milliards d’euros et 16,2 milliards d’euros à décaisser pour l’État d’ici 2037 pour le biométhane injecté et entre 2,2 milliards d’euros et 3,9 milliards d’euros pour la production d’électricité en cogénération d’ici 2042. À ces charges, il faudrait ajouter environ 7 milliards d’euros supplémentaires pour les nouveaux contrats d’injection de biométhane signés d’ici à 2028. »

En raison de ces perspectives financières et des ambitions de développement et de massification de la production, l’État entend répondre à cet objectif principalement par la mise en place d’un nouveau dispositif de soutien : les certificats de production de biogaz (CPB).

Celui-ci, de nature extra-budgétaire, reporte l’obligation de soutien des installations sur les fournisseurs de gaz, et in fine aux consommateurs finals de gaz, ce qui permet de « limiter » son impact sur les finances publiques, indique la Cour.

Cette modalité de soutien est toutefois de nature à favoriser « les installations de grande taille et le portage des projets par des industriels ou des énergéticiens ». Cela « constitue une rupture avec le paysage de la filière française actuelle, essentiellement agricole, et dont l’organisation demande à être davantage structurée », rapporte la Cour.

Une production tournée vers l’injection

Aujourd’hui la filière bénéficie d’une politique de soutien volontariste, principalement orientée vers la production de biométhane injecté sur le réseau de gaz. Fin 2023, la France comptait 1 911 méthaniseurs, dont 652 en injection. La production d’électricité à partir de biogaz s’établissait à 3 TWh en 2023 tandis que la production de biométhane injecté s’élevait à 9,1 TWh (soit 31 % de plus qu’en 2022), selon le rapport. La production de biogaz a ainsi atteint les objectifs énergétiques qui étaient fixés pour 2023 dans la deuxième programmation pluriannuelle de l’énergie.

Enfin, la Cour rappelle que la disponibilité de biomasse pour la méthanisation pourrait être insuffisante dès 2030, compromettant 15 des 50 TWh de biogaz qui pourraient être retenus dans la nouvelle programmation pluriannuelle de l’énergie. « Cet écart est susceptible de susciter des conflits d’usages de la biomasse, entre le développement du biogaz, la production alimentaire, ou entre certains biocarburants », souligne-t-elle.

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