Le branchement de BioBéarn, le plus grand méthaniseur de France, restera-t-il une bonne nouvelle sans lendemain ? Alors que le gaz vert, en forte hausse, pèse désormais 5 % de la consommation régionale, la filière s'apprête à connaître un coup d'arrêt brutal en 2024. Les nouveaux tarifs de rachat du gaz, fixés au niveau national, se font en effet cruellement attendre, gelant les investissements au pire moment.
Le plus grand méthaniseur de France, BioBéarn, vient d'être mis en service par TotalEnergies dans les Pyrénées-Atlantiques. À terme, il pourra couvrir la consommation en gaz de 50.000 habitants.
Le plus grand méthaniseur de France, BioBéarn, vient d'être mis en service par TotalEnergies dans les Pyrénées-Atlantiques. À terme, il pourra couvrir la consommation en gaz de 50.000 habitants. (Crédits : TotalEnergies)
« Raccorder la plus importante unité de méthanisation du territoire à notre réseau de transport est un signe fort pour Teréga. [...] Il est aussi le reflet de notre engagement auprès de la Région Nouvelle-Aquitaine pour atteindre 100 % de gaz vert d'ici à 2050 », a salué Dominique Mockly, fin avril lors de l'inauguration de BioBéarn, le plus grand méthaniseur de France, à Mourenx, sur le bassin de Lacq (Pyrénées-Atlantiques). Exploité par TotalEnergies, cette installation sera capable de produire à terme 160 GWh/an de biogaz pour couvrir la consommation d'environ 50.000 habitants en valorisant 200.000 tonnes de déchets agricoles. De quoi éviter du même coup l'émission de 32.000 tonnes de CO2 par an puisque le gaz vert est cinq à dix fois moins émetteur de gaz à effet de serre que le gaz naturel (lire l'encadré).
Avec cette mise en service, la Nouvelle-Aquitaine compte désormais 50 méthaniseurs qui injectent 1,2 TWh/an de gaz renouvelable dans le réseau de gaz, soit environ 5 % de la consommation régionale. C'est encore loin de l'objectif de 100 % en 2050 mais c'est un total en forte hausse par rapport aux 3 % affichés un an plus tôt et c'est le double de la moyenne nationale (2,5 %). La Nouvelle-Aquitaine figure ainsi sur la troisième marche du podium français derrière le Grand Est et le Nord. « Il y a une très belle dynamique de mises en service avec un fort soutien régional à la filière mais elle va s'arrêter puisqu'on est passé d'une trentaine de projets à l'étude chaque année dans la région à moins d'une dizaine l'an dernier... », remarque Arnaud Bousquet, le directeur régional de GRDF Nouvelle-Aquitaine.
Un trou d'air d'au moins 18 mois
Car, comme dans toute la France, la filière du gaz renouvelable est depuis de long mois dans l'attente des nouveaux tarifs de rachat du gaz qui tardent à être publiés. Et face à cette incertitude, les investissements sont gelés. Le tarif fixé fin 2020, inférieur au précédent et avec une trajectoire dégressive, est en effet jugé trop faible pour assurer l'équilibre économique des nouveaux projets de méthaniseur dont le coût de fabrication a augmenté de 25 à 40 % depuis fin 2021.
« L'inflation, la hausse des coûts de production et la flambée des tarifs de l'électricité ont clairement rompu l'équilibre financier des projets tant sur l'investissement que sur le fonctionnement. Et comme il faut trois à quatre ans pour sortir un nouveau projet de méthaniseur, on sait déjà que la filière sera à l'arrêt en 2024 sur le plan des nouvelles mises en service », alerte Arnaud Bousquet.
Un projet d'arrêté rehaussant les tarifs de 15 % et créant des certificats de production de biométhane, sur le modèle des certificats d'économies d'énergie, a pourtant circulé ces dernières semaines, suscitant un accueil favorable de la filière. Mais malgré la promesse d'une publication imminente, celle-ci se fait toujours attendre. « Les constructions de nouveaux méthaniseurs sont déjà à l'arrêt ou presque depuis plusieurs mois. Je ne suis pas très optimiste sur les délais de publication de l'arrêté mais, dans tous les cas, il y aura mécaniquement un long trou d'air, d'environ 18 mois », confirme Cyril Vincent, le directeur général de Gaz de Bordeaux. L'opérateur girondin dispose toujours d'une grosse trentaine de contrats d'approvisionnement, un chiffre stable sur un an.
« Soit le gaz se verdit, soit il disparaîtra »
Et pour le dirigeant bordelais, cet attentisme vient enrayer une trajectoire cruciale pourtant cruciale pour le secteur et alors même que le robinet du gaz russe s'est tarit depuis début 2022 :
« Le biogaz est un axe stratégique pour toute la filière. Ne nous y trompons pas : soit le gaz se verdit, soit il est terminé et il disparaîtra du mix énergétique. Pour diminuer les émissions de CO2, il faut à la fois diminuer notre consommation et la verdir ! »
Chez les professionnels, c'est en effet la douche froide alors même qu'ils pensaient avoir fait leurs preuves ces dernières années. « Le biogaz est la seule énergie à avoir atteint et même dépassé l'objectif fixé par la PPE [programmation pluriannuelle de l'énergie] en injectant 7 TWh fin 2022 contre une cible de 6 TWh. Et il y a d'ores et déjà 10 TWh de capacité raccordée. Pour répondre aux enjeux de décarbonation et de souveraineté, la filière a investi, s'est structurée et a recruté et c'est tout ce travail qui est aujourd'hui menacé », souligne Arnaud Bousquet, de GRDF.
Un comité des ressources « méthanisables »
Seul motif de satisfaction pour les professionnels du gaz renouvelable : la dynamique pourra repartir rapidement quand les nouveaux tarifs seront publiés puisqu'il y a plus de 16 TWh de capacité supplémentaire d'ores-et-déjà identifiée. Et pour faire le point sur le volume des ressources disponibles, qui pourrait être un facteur bloquant à terme, le conseil régional de Nouvelle-Aquitaine installera officiellement le 1er juin prochain un « Comité des ressources méthanisables » pour identifier et partager la matière première disponible. Dans le cadre de sa stratégie de transition énergétique, la Nouvelle-Aquitaine a fixé un calendrier exigeant : 10 % de gaz vert en 2025, 30 % en 2030 puis 100 % en 2050.