Méthanisation : des pistes pour sauver la cogénération
En difficulté ces dernières années, la filière de la cogénération cherche des perspectives pour insuffler une nouvelle dynamique. Elle doit trouver des solutions face à des freins réglementaires et une baisse des tarifs pour les producteurs.
Depuis quelques années, l’injection met les gaz au détriment des nouveaux projets en cogénération. Coefficients inadaptés, dégressivité des prix, inflation… La conséquence de l’évolution des contrats en cogénération est simple : les unités ne sont plus viables économiquement. « Les sites qui se lancent actuellement sont confrontés à une baisse des prix allant de 35 % à 40 % par rapport aux tarifs en vigueur en 2016 », explique Jean-Marc Onno, vice-président de l’AAMF (Association des agriculteurs méthaniseurs de France).
Et l’approche des quinze ans d’exploitation de certains sites ajoute un manque de visibilité sur l’avenir. « Je souhaite continuer mon activité mais que vaut mon site, quelle évolution ai-je à ma disposition et quelle contractualisation puis-je avoir demain ? », témoigne-t-il. La cogénération se retrouve en perte de vitesse avec peu de projets dans la file d’attente des demandes de raccordement.
Manque de soutien
À la fin de 2023, plusieurs textes de soutien ont apporté des réponses, notamment financières pour les contrats de type « BG16 » et les cogénérateurs construits après le 1er janvier 2021. Mais ces réponses restent partielles et sont insuffisantes pour retrouver des perspectives. Hormis un soutien politique fort, la filière demande des mesures de simplification pour continuer. Elle souhaite notamment une cohérence réglementaire, non seulement entre les ministères encadrant la méthanisation mais aussi entre les types d’installations. Certaines règles effectives pour l’injection ne le sont pas pour la cogénération, à l’instar des aides de l’Ademe ou du coefficient prenant en compte l’inflation dans le calcul du tarif d’achat. Harmoniser ces règles permettrait de revaloriser quelque peu les tarifs d’achat de l’électricité des cogénérateurs. En parallèle, limiter la rétroactivité des nouvelles prescriptions pour les méthaniseurs en fonctionnement est essentiel, selon la filière, qui s’insurge face à des délais de mise aux normes irréalisables.
Pour les nouveaux méthaniseurs, le parcours administratif est lourd. Entre les normes et les délais des recours, parfois abusifs, il faut environ cinq ans pour qu’un projet sorte de terre. En outre, 150 données sont à transmettre chaque année pour satisfaire les divers contrôles dont la moitié est demandée deux, cinq, voire dix fois. Une redondance des informations qui représente une charge de travail non négligeable pour les exploitants. C’est pourquoi la filière porte aujourd’hui une réflexion avec le ministère de l’Agriculture pour centraliser ces données via « un système de coffre-fort numérique » accessible aux différents services publics.
Passage à l’injection compliqué
En complément de l’électricité produite, certains producteurs n’hésitent pas à valoriser la chaleur produite par le méthaniseur. Un moyen de baisser les coûts et d’améliorer la rentabilité de l’installation tout en optimisant les synergies entre élevage et méthanisation. Une autre perspective envisagée est le passage à l’injection. Mais si pour certains, le raccordement au réseau de gaz n’est pas possible, pour d’autres, ce sont des freins réglementaires qui les empêchent de basculer vers l’injection de biométhane en tarif aidé.
En tête des freins, la quasi-impossibilité de faire une résiliation anticipée de son contrat en cogénération ou le critère bloquant de nouveauté de l’installation en injection imposé par l’arrêté tarifaire du 10 juin 2023. Néanmoins, de nouveaux dispositifs émergent tels que les certificats de production de biogaz (CPB). Ces nouveaux contrats offrent la possibilité de racheter le biogaz à un prix différent du tarif d’achat aidé, sur des durées plus ou moins longues et s’adaptent ainsi aux besoins des agriculteurs pour donner une seconde vie à leurs méthaniseurs en cogénération. Cependant, ces contrats de droit privé ne bénéficient pas des garanties de l’État.
Saisonnalité des tarifs
La filière, qui croit en cette technologie éprouvée, souhaite sauver la cogénération. Elle travaille donc de concert avec les pouvoirs publics afin d’instaurer des aides d’urgence pour revaloriser de 10 % le tarif d’achat, soit 2 ou 3 centimes par kW, sur une période de 18 à 36 mois en fonction des contrats. Ce pas de temps lui laisserait alors le temps de bâtir un nouveau contrat. Un contrat « BG24 » qui revaloriserait le prix de l’électricité payé à l’exploitant et s’appliquant de manière rétroactive à l’ensemble des contrats par un simple avenant.
Ces propositions sont pour l’heure en attente d’approbation mais permettraient aux sites de retrouver un équilibre financier. Selon les producteurs, le modèle économique de la cogénération, basé sur un tarif unique à l’année, doit évoluer pour intégrer la notion de saisonnalité. « En ajoutant 12 à 14 centimes supplémentaires (au tarif de base), durant les six mois de l’année où il y a un besoin de chaleur et d’électricité, cela permettrait un lissage du prix à l’année aux alentours de 0,25 € », explique Jean-Marc Onno. La réponse serait alors plus réaliste par rapport aux besoins des réseaux et des exploitations.