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Gros contributeur au réchauffement climatique, le méthane est longtemps resté sous le radar des autorités. En élaborant un dispositif pointu de contrôles et d'obligations, l'Union européenne espère réduire ses fuites particulièrement délétères.

C'est « une véritable victoire pour le climat », selon le cabinet de la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, une décision « capitale », pour l'ONG Environmental Defense Fund Europe. Dans le cadre du paquet « Fit-for-55 », les négociateurs de l'Union européenne (UE) se sont mis d'accord, ce mercredi 15 novembre, sur de nouvelles règles destinées à réduire les émissions de méthane en provenance du secteur de l'énergie, dans les États membres. « On parle beaucoup du CO2 mais ce gaz possède un pouvoir de réchauffement de l'atmosphère 30 à 40 fois supérieur au CO2 », souligne l'entourage d'Agnès Pannier-Runacher. Un chiffre qui pourrait même grimper jusqu'à 80 fois au cours des vingt premières années d'émission. L'énergie concentrerait 40 % des émissions de méthane et, dans le secteur des hydrocarbures, ce gaz totaliserait 15 % des émission de GES. Il serait ainsi responsable d'un tiers du réchauffement. « Un sujet massif pour le climat ! » soulignent les conseillers de la ministre.

Le futur règlement imposera donc des obligations strictes aux compagnies des secteurs du pétrole, du gaz et du charbon, en termes de mesure, de signalement et de vérification de leurs émissions, mais également d'atténuation de ces émissions au moment de la production des combustibles fossiles, comme de leur transport : installation de dispositifs de détection des fuites, petites et grandes, y compris souterraines et sous-marines, réparation, limitation de la ventilation et réduction du « torchage » notamment. Dans la mesure du possible, la réparation ou le remplacement des composants devront avoir lieu immédiatement après la détection de la fuite. Ce qui s'avère aujourd'hui loin d'être le cas, y compris dans les situations de « super fuites » particulièrement problématiques, susceptibles de se poursuivre parfois pendant plusieurs semaines. Les fuites situées en dessous d'un seuil à venir feront l'objet d'un suivi attentif.

Premiers résultats dans un an et demi

« Cela envoie un signal fort aux fournisseurs (de l'Union européenne) pour les inciter à procéder aux investissements nécessaires »
Cabinet de la ministre de la Transition énergétique

À la demande de la France, en particulier, le texte proposera par ailleurs des outils de surveillance mondiaux afin de rappeler les pays à l'ordre en cas de « super fuite » et de garantir la production d'informations transparentes en termes d'émissions issues des importations des trois combustibles fossiles dans l'UE. À partir du 1er janvier 2027, les exportateurs vers l'Europe seront ainsi tenus d'appliquer le même type de veille et de vérification des données. Les États membres auront la possibilité d'appliquer des pénalités aux contrevenants.

Des calendriers et des cadences ont aussi été définis pour la surveillance, la notification et l'inspection des sources potentielles d'émissions. Après l'entrée en vigueur de cette réglementation, les exploitants auront par exemple dix-huit mois pour présenter un reporting de leurs émissions au niveau des sources, puis six mois de plus pour transmettre leurs mesures directes pour leurs actifs en exploitation. Pour leurs mines abandonnées, inactives, noyées, bouchées temporairement ou obturées en permanence, qui ne devront plus être émissives, ils bénéficieront d'un délai de quatre ans avant de communiquer ces informations. Elles seront placées sous surveillance pendant trente ans après leur fermeture. Pour les mines de charbon, cette vigilance s'étendra à soixante-dix ans.

Les États membres auront l'obligation de tenir à jour un inventaire de tous leurs puits. Leurs autorités compétentes seront chargées d'effectuer des contrôles périodiques pour vérifier le respect de leurs obligations par les exploitants. La première des inspections devra être achevée vingt-et-un mois après la date d'entrée en vigueur du règlement, au plus tard. Puis entre chacune d'entre elles, la période dépendra d'une évaluation des risques environnementaux, de sécurité humaine et de santé publique des sites. Elle ne devra pas dépasser trois ans.

Un gaz très émissif

Cette démarche s'inscrit dans une dynamique mondiale en expansion. La première proposition de texte de la Commission sur ce sujet remonte au mois de décembre 2021, après la publication d'une stratégie consacrée au sujet en 2020. Dans la foulée, l'Union européenne avait lancé un engagement en faveur de la réduction de ses émissions, en partenariat avec les États-Unis, lors de la COP 26 de 2021. Celui-ci avait été suivi par une centaine de pays. L'objectif avait alors été fixé à une réduction de 30 % d'ici à 2030 par rapport aux niveaux de 2020. « Avec la mise en place de ces contrôles, l'Union européenne se dote du dispositif le plus strict du monde, analyse-t-on au cabinet de la ministre. Cela envoie un signal fort à ses fournisseurs pour les inciter à procéder aux investissements nécessaires. »

En tant que premier acheteur mondial de gaz naturel, l'UE utilise stratégiquement son influence économique pour réduire les émissions mondiales de méthane, approuve, pour sa part, Flavia Sollazzo, directrice de la transition énergétique au sein d'Environmental Defense Fund Europe. Un progrès d'autant plus facile à mettre en œuvre que les technologies de pointe de suivi du méthane – comme MethaneSAT – changent la donne en augmentant la responsabilité des émetteurs en Europe et dans le monde, remarque-t-elle. « Le moment est venu pour l'industrie des combustibles fossiles de réorienter ses ressources et son expertise vers la détection et la correction des fuites dans les chaînes de production et d'approvisionnement du monde entier. » Aujourd'hui, pour le cabinet Deloitte, auteur d'une note sur le gaz et le méthane, publiée en septembre dernier, les meilleures solutions disponibles pourraient par ailleurs entrainer une réduction de 80 % des fuites, allégeant l'empreinte CO2 du gaz de quelque 8 %. « Le fardeau climatique supplémentaire causé par les émissions de méthane tout au long de la chaîne de valeur du gaz naturel est rarement discuté, commentent ses experts. Il est désormais essentiel d'envisager un objectif de neutralité à deux niveaux, C02 et méthane. » Cette avancée devrait être largement valorisée lors de la COP 28, qui consacrera d'ailleurs une journée à ce sujet.

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