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Le gaz vert dans le rouge : le site marnais de méthanisation Méthabaz lourdement endetté



| L'Union | News

Alimentée par les restes de betteraves d’agriculteurs ardennais et marnais, l’unité de méthanisation située au nord de Reims n’arrive plus à payer ses fournisseurs. Méthabaz vient de passer devant le tribunal de commerce pour étaler sa dette.

Huit ans après sa création, le 16 mars 2016, par un collectif d’agriculteurs marnais et ardennais, et un an et demi après son démarrage, en août 2022, Méthabaz connaît d’importantes difficultés financières, qui l’ont conduit devant le tribunal de commerce de Reims.

La grosse unité de méthanisation située à Bourgogne-Fresne, au nord de Reims, où elle transforme en biogaz les restes agricoles du secteur, en particulier les déchets betteraviers, vient de conclure un accord de conciliation avec ses créanciers. Parmi eux, deux banques (Caisse d’épargne et Crédit agricole) et plusieurs fournisseurs, dont Vinci (qui avait dans un premier temps assigné Méthabaz), Eiffage, GRT Gaz, Engie ou encore Cristal Union.

Hausse « considérable » du prix des bâtiments

Dans le jugement du tribunal de commerce, rendu le 30 janvier, qui entérine l’accord, Méthabaz explique ses difficultés financières par « la pandémie de Covid », « la guerre en Ukraine » et « l’augmentation substantielle du prix des matériaux et des intrants ». Ces raisons ont fait « considérablement augmenter » la facture de l’usine, initialement chiffrée à 16,2 millions d’euros, mais qui a coûté 1,5 million de plus.

En janvier 2023, l’« endettement bancaire » de Méthabaz s’élevait ainsi à presque 10 millions d’euros. Quant aux dettes envers les fournisseurs, elles s’établissaient à 1,3 million, dont 315 000 euros pour Vinci, 152 000 euros pour Eiffage, 161 000 pour GRT Gaz ou 291 000 euros pour Cristal Union. Face à ces difficultés, et après trois années déficitaires (2020, 2021 et 2022), Méthabaz a décidé de se placer sous la protection du tribunal de commerce, en sollicitant une procédure de mandat ad hoc.

Dette étalée sur deux ans

Au final, tous les créanciers ont accepté d’échelonner les remboursements. Méthabaz s’est engagée à honorer son passif sur deux ans, en misant sur un chiffre d’affaires en nette augmentation : 4,4 millions espérés en 2024 et 4,8 millions en 2025, contre 300 000 euros en 2022.

« Mon objectif est d’être un bon payeur », met en avant Hervé Mangeard, agriculteur à Lavannes et successeur de Benoît Liesch à la tête de Méthabaz. Le nouveau président se dit « serein et déterminé » : sans nier les « fragilités » de la société, il dit s’être « tourné très tôt vers le tribunal de commerce, justement pour anticiper ».

Hervé Mangeard, Président de Méthabaz

Sur le fond, Hervé Mangeard rejette la faute sur les adversaires de Méthabaz : « Ce sont nos opposants qui nous ont amenés dans cette situation, soutient-il. Alors qu’on a gagné notre procès contre eux en 2021 (l’affaire, portant sur de possibles nuisances, fait l’objet d’un appel devant la cour administrative d’appel de Nancy, NDLR), ils ont continué à faire peur à tout le monde, à nous salir, c’est leur stratégie. Mais Méthabaz, ce n’est pas la peste ! »

Des riverains « pas tranquilles »

Président de l’association qui fédère les opposants (ACDPN), Sébastien Almagro conteste. En tant que « riverain » d’un site construit à 500 mètres de certaines maisons, il peste contre « un bruit continu 7 jours sur 7 et 24 h sur 24 », et sur « l’absence de haie paysagère autour du site », initialement prévue.

Sur un plan financier, il estime que Méthabaz « échappe d’un cheveu à la liquidation (car) les créanciers n’y avaient aucun intérêt et c’est ce qui les sauve ». Enfin, concernant la sécurité, Sébastien Almagro se déclare « pas tranquille » au vu des installations de lutte contre l’incendie, qui avaient déjà fait tiquer le préfet l’an passé, et qui agacent toujours le maire de la commune.

Le maire signale plusieurs « défaillances »

Ces problèmes financiers s’ajoutent à une série d’impairs. Faisant face à un collectif d’opposants depuis 2018, qui a intenté un procès (gagné en première instance par la société), Méthabaz a refait parler d’elle en octobre 2022 : le préfet de la Marne avait alors retoqué le permis de construire modificatif de Méthabaz (qui avait multiplié les changements par rapport aux plans initiaux), puis l’avait mis en demeure de revoir sa sécurité incendie.

Un an plus tard, le maire de Bourgogne-Fresne, Nicolas Habare, s’apprête justement à alerter le sous-préfet de Reims au sujet de « défaillances ». D’une part, lui aussi critique l’absence de haies pour cacher le site, ainsi que la persistance de « nuisances olfactives et sonores » : mauvaises odeurs « en cas de vent d’est », « bruit continuel » et « alarme qui sonne toute la nuit ». D’autre part, concernant la sécurité, le maire se dit « inquiet » à double titre par la question de l’eau : « Les bassins sont remplis de matières solides et seraient inutilisables en l’état par les pompiers. L’autre souci vient des infiltrations : les jus d’ensilage s’infiltrent dans le sol, or à cet endroit la nappe phréatique est juste en dessous… »

Le maire en tire une conclusion amère : « Tout ce qu’on a dit sur Méthabaz depuis le début se concrétise aujourd’hui. Malheureusement, on n’a pas été écoutés. » Le président de Méthabaz, Hervé Mangeard, refuse cette vision négative : « Le maire est opposé à notre projet depuis le début. Ses propos n’engagent que lui. »

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