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L’efficacité énergétique et le paradoxe de Jevons



 — Transition & Énergies
le 5 janvier 2023


Améliorer l’efficacité avec laquelle une ressource est utilisée n’est pas toujours le meilleur moyen de réduire sa consommation. Cela est particulièrement vrai pour l’énergie. C’est ce qu’avait démontré au 19ème siècle l’économiste britannique William Stanley Jevons.

Le paradoxe de Jevons, définit comme son nom l’indique par l’économiste britannique William Stanley Jevons au 19ème siècle, montre que les progrès technologiques augmentant l’efficacité avec laquelle une ressource est utilisée, notamment l’énergie, ne se traduisent pas forcément par une diminution de sa consommation, au contraire… Il existe un effet rebond que William Stanley Jevons décrit en 1865 dans un livre intitulé «The Coal Question» (La question du charbon). Il montre que la consommation anglaise de charbon a ainsi fortement augmenté après que James Watt ai introduit sa machine à vapeur (voir photographie ci-dessus), bien plus efficace que celle de Thomas Newcomen. Les innovations de Watt ont fait du charbon une source d’énergie plus efficace et plus rentable et cela a conduit à généraliser l’utilisation de sa machine à vapeur. Plutôt que de réduire la consommation totale de charbon, les progrès technologiques et de productivité ont conduit à accroître la consommation totale de charbon. Le paradoxe de Jevons fonctionne également avec des ressources non énergétiques comme l’eau, par exemple.

Augmenter la productivité fait baisser les prix

La logique de Jevons semble imparable. Quand on augmente l’efficacité énergétique, on augmente la productivité de l’énergie. Et si on augmente la productivité de n’importe quoi, on réduit son prix puisqu’on obtient plus en retour pour l’utilisation de la même quantité. La demande augmente alors parfois.

Cela a été vrai pour l’utilisation de gaz naturel dont la demande a fortement augmenté avant la crise de l’année dernière car il permet, via les turbines à cycle combiné, de produire de l’électricité avec une très grande efficacité allant jusqu’à plus de 60% et une très grande souplesse et a permis au gaz, qui émet aussi moitié moins de CO2, de supplanter le charbon dans de nombreux pays. Une centrale à gaz à cycle combiné associe deux types de turbines, à combustion et à vapeur, couplées à la même génératrice.

On retrouve aussi le paradoxe de Jevons avec l’éclairage. Nous avons augmenté l’utilisation d’ampoules basse consommation qui nous font faire des économies sur notre facture d’électricité. Mais nous avons aujourd’hui bien plus d’ampoules dans nos habitations et nos bureaux qu’il y a dix ans… Ce paradoxe a aussi prouvé son existence dans le domaine de l’automobile, aux Etats-Unis notamment. Après les chocs pétroliers du début des années 1970, les Etats-Unis ont imposé des réductions de consommation aux automobiles. Cela s’est traduit par une baisse rapide en quelques années de la consommation d’essence et de diesel et son augmentation à moyen terme tout comme une progression des puissances des véhicules, de leur poids, des distances parcourues en moyenne sur une année et du nombre de personnes possédant une voiture. D’autres facteurs évidemment expliquent cela, mais la meilleure efficacité énergétique des véhicules, avec l’injection, avec une meilleure aérodynamique, ont eu un impact indéniable.

Les technologies de la transition ont besoin des carburants fossiles

Les gouvernements qui mènent des politiques d’efficacité énergétique négligent souvent cet effet rebond… Même si toutes les situations ne sont pas comparables au charbon et à la machine à vapeur. Il existe aujourd’hui des débats acharnés d’économistes à la fois sur l’importance de l’effet rebond et la pertinence d’appliqué le paradoxe de Jevons aux économies d’énergie. Car si l’augmentation de l’efficacité énergétique ne réduit pas la consommation, des politiques énergétiques durables doivent être construites en associant d’autres éléments qui augmentent les coûts d’utilisation comme la taxe carbone ou d’autres taxes.

Les partisans des technologies actuelles de la transition dans le domaine de la production d’électricité, des transports, de l’agriculture voire de l’industrie soulignent que leur adoption à grande échelle ne devrait pas se traduire par une augmentation de la consommation d’énergies fossiles, en-dehors de l’exemple déjà cité du gaz naturel. Rappelons que le gaz naturel, sous la pression notamment allemande, est considéré par la législation européenne comme une source d’énergie de transition.

Les partisans des technologies actuelles de la transition expliquent qu’il s’agit la plupart du temps d’énergies de nature différente que les fossiles, éolienne, solaire, nucléaire, hydrogène décarboné, véhicules électriques à batteries… Mais il y a tout de même un problème. Ces technologies sont consommatrices elles-mêmes d’énergies fossiles. Elles demandent des matériaux et des métaux en grande quantité qu’il faut extraire, raffiner et transporter. Les équipements sont souvent produits en Asie en utilisant une quantité importante d’énergie et pour les transporter, les installer, les entretenir et les recycler, il faut beaucoup d’énergie fossile.


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