Méthanisation agricole : quels risques, quels avantages ?
Greenpeace le 29 avril 2022
Une croissance exponentielle
La méthanisation est un procédé utilisé, entre autres, dans l’agriculture, et qui transforme de la matière organique en digestat et en gaz. Cette filière connaît actuellement une croissance exponentielle en France : elle est passée d’une production énergétique d’un TWh en 2007 à près de sept TWh en 2019, et a généré un chiffre d'affaires de 840 millions d’euros. Cette façon de valoriser les déchets organiques est donc particulièrement promue aujourd’hui, notamment dans le secteur agricole. Fin 2021, il existait en effet 1175 unités de méthanisation en France, dont environ 70% sont dites “agricoles” (les autres sont les unités traitant les déchets ménagers, les eaux usées des stations d’épuration et quelques unités dites “centralisées” traitant différentes matières telles que les biodéchets issus de la restauration ou encore des co-produits de l’industrie agroalimentaire). Le développement de la méthanisation, enfin, fait partie intégrante du volet agricole du plan d’investissement public “France 2030”.
La méthanisation, une production d'énergie renouvelable et circulaire
Cette popularité est fondée sur les avantages que présente une telle façon de produire de l’énergie. Renouvelable et circulaire car elle permet de valoriser les déchets organiques issus des exploitations agricoles et de leur production, elle est présentée comme un facteur de diversification indispensable de notre mix énergétique et d’émancipation vis-à-vis des énergies fossiles. Sa production génère du digestat qui est utilisable sous forme de fertilisant, ce qui renforce l’autonomie des exploitations agricoles dotées d’une unité de méthanisation. Enfin, ces unités de méthanisation représentent une amélioration potentielle des conditions de travail des agriculteurs par la diversification de leurs revenus (certains travaux de recherche montrent néanmoins qu’il est parfois difficile pour les exploitant·es agricoles de dégager un revenu de cette activité).
La méthanisation n'est pas une solution miracle
Pour autant, la méthanisation ne doit pas être promue comme une solution miracle. En effet, les inconvénients et les risques que présente cette filière sont nombreux. Il est tout d’abord à noter que cette filière est encore relativement jeune : ses impacts à grande échelle sont encore difficiles à appréhender et, à l’échelle locale, les conséquences de la méthanisation sur les sols et l’eau sont méconnues. Les impacts de cette technologie dépendent fortement des lieux et des exploitations dans lesquels les unités de production sont installées : les configurations de fonctionnement de ces unités et leurs externalités sont très variées.
Certains grands projets de méthaniseurs sont décriés par des collectifs de riverains et des associations locales en raison de l’opacité de ces projets et des nuisances liées à la production des méthaniseurs. Ainsi, l’opposition monte dans les régions qui investissent le plus dans cette filière, comme c’est le cas de la région Grand-Est. Car en plus des nuisances directes, l'utilisation de cette technologie présente des risques d’incidents et de pollution importants : le débordement d’un méthaniseur à Châteaulin en 2020 a pollué un cours d’eau à l’ammoniac, privant ainsi d’eau potable 180 000 personnes durant plusieurs jours.
Par ailleurs, il est possible que le développement de cette filière aboutisse à une approche plaçant la production agricole au service de la production d’énergie, modifiant de fait la production associée à certaines terres agricoles. Ce risque a bien été identifié par le rapport sénatorial de septembre 2021 à ce sujet. La méthanisation ne doit en aucun cas devenir l’activité principale des agricultrices et des agriculteurs ni être le fait d’entreprises dédiées, au risque de générer une compétition dans l’utilisation des terres et de devenir une source de profits pour les grands groupes plutôt qu’un procédé de valorisation des déchets agricoles au service des agriculteurs et des agricultrices. Une telle orientation aurait en effet des impacts dramatiques en matière d’environnement, de compétition des terres et d’accès au foncier, puisque des hectares de culture seraient accaparés par des groupes industriels non agricoles et dédiés à la production intensive de céréales pour alimenter les méthaniseurs, ces dernières ayant un plus grand pouvoir calorifique que les coproduits des élevages.
Une technologie à encadrer rigoureusement
Si la méthanisation est une technologie intéressante et présentant de réels intérêts écologiques, sociaux et économiques, son utilisation et son développement doivent donc être strictement encadrés et son impact environnemental précisément évalué. Tout projet d’installation de méthaniseur doit faire l’objet d’une étude d’impact environnemental et de concertations solides avec les riverains et riveraines.
Enfin, le développement de cette technologie ne doit pas être brandi pour faire oublier les nécessaires transformations à opérer au sein de notre système agricole. Parmi celles-ci, le développement des pratiques agroécologiques, l’amélioration de la rémunération des producteurs et des productrices, la désindustrialisation de l’élevage, la relocalisation et la végétalisation de notre production alimentaire sont prioritaires.