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Le méthane, un gaz à la fois polluant et levier d’action efficace


  Le Figaro le 26 octobre 2021


Sur une décennie, une molécule de ce gaz contribue à l’effet de serre 85 fois plus que le CO2.

Le méthane est le deuxième gaz contribuant à l’effet de serre lié aux activités humaines, après le dioxyde de carbone (CO2). Ses émissions ont contribué à 0,5° C de la hausse de 1,1 °C de la température moyenne de la Terre sur la dernière décennie, par rapport à la moyenne de 1850-1900, indique le dernier rapport du Giec (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat), publié en août dernier.

Les émissions de CO2 sont responsables d’une hausse moyenne de 0,75 °C, malgré une présence 200 fois plus importante dans l’atmosphère. De ce fait, «une atténuation rapide des émissions de CH(la formule chimique du méthane, NDLR) augmentera considérablement la possibilité de stabiliser le réchauffement climatique au-dessous de 2 °C voire à 1,5 °C d’ici à 2100, tout en présentant des avantages pour la santé humaine et des écosystèmes», expliquait William Collins, professeur des processus climatiques à l’université Reading (Grande-Bretagne), dès 2018.

Un effet puissant

Le Giec a repris cette idée. Car limiter les rejets de méthane dans l’atmosphère permettrait de «diminuer le pic du réchauffement et gagner un peu de temps pour limiter les émissions de dioxyde de carbone qu’il faudra de toute manière réduire, elles aussi, rapidement», explique Marielle Saunois, chercheuse au LSCE (Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement) de l’université Paris-Saclay, du CEA et du CNRS.

Le méthane a un puissant effet de réchauffement pour plusieurs raisons. D’abord, sa structure chimique lui permet de mieux absorber la lumière (infrarouge), restituée dans l’air sous forme de chaleur, que le CO2«C’est un peu comme dormir sous une très bonne couette la nuit. Elle bloque la chaleur, qui se dissipe moins bien, vous avez donc plus chaud», explique le Pr Euan Nisbet, un expert mondial du méthane de l’université Royal Holloway, à Londres.

De plus, le méthane se décompose dans l’atmosphère sous forme d’autres gaz qui contribuent à l’effet de serre: ozone, vapeur d’eau et dioxyde de carbone. Cette destruction du méthane dans l’air entraîne l’élimination de 60 % de ses volumes en dix ans (et près de 90 % en vingt ans). Son pouvoir de réchauffement est donc plus de 85 fois celui du CO2 sur dix à vingt ans et environ 30 fois supérieur sur un siècle. Réduire les émissions de méthane aurait donc un effet rapide et accru sur le réchauffement par rapport au CO2.

Une concentration inédite depuis 800.000 ans

À sa concentration actuelle dans l’atmosphère (1879 parties par milliard de molécules d’air en 2020), il atteint un record inégalé depuis au moins 800.000 ans, rappelle le Giec. Ces experts ajoutent que les deux sources principales de son augmentation récente sont l’industrie des hydrocarbures et l’agriculture. «Les sources anthropiques représentent 60 % des émissions mondiales de méthane (les 40 % restant sont d’origine naturelle, lire encadré)Ces rejets issus des activités humaines «se décomposent en 40 % pour l’agriculture, notamment l’élevage et les rizicultures, 35 % pour les énergies fossiles, 20 % pour les décharges et 5 % pour la combustion de biomasse, comme le bois et la tourbe».

Des pistes sont explorées pour limiter les émissions de méthane dans l’agriculture ou les décharges. «Dans des lieux clos, comme les étables et les sites de déchets fermés, il serait possible de récupérer l’air et d’en extraire le méthane pour le valoriser», avance Marielle Saunois. Par ailleurs, des scientifiques ont travaillé sur des compléments alimentaires notamment à base de lin ou de matières grasses pour réduire les émissions de gaz des ruminants des élevages.

D’autres solutions sont à l’étude, notamment la diminution de la taille des cheptels avec une évolution des régimes alimentaires. Même si des scientifiques ont fait des propositions pour capturer et éliminer directement le méthane dans l’air ambiant, en le dégradant sous forme de CO2 par voie chimique ou microbienne, «son élimination est, cependant, encore à ses débuts, et la littérature disponible est insuffisante pour une évaluation», note le Giec.

Le vrai du faux