Skip to main content

Le méthane, l’autre grande menace pour le climat


  Le Figaro le 26 octobre 2021


Ce gaz, une fois rejeté dans l’atmosphère, produit un effet de serre beaucoup plus puissant que le CO2. Or ses émissions issues des industries d’extraction du gaz, du pétrole et du charbon sont faciles à éviter. C’est une des priorités de la COP26.

Le méthane est désormais au cœur de la lutte contre le changement climatique. Le Parlement européen a réclamé la semaine dernière un accord mondial à l’occasion de la COP26, le grand rendez-vous sur le changement climatique, qui commence dimanche à Glasgow. Ses élus européens ont demandé à Bruxelles de fixer des objectifs contraignants de réduction des émissions de ce gaz d’ici à 2030. L’industrie pétrolière et gazière pourrait se trouver en première ligne.
Mi-septembre, les États-Unis et l’Union européenne avaient annoncé travailler ensemble sur une réduction des émissions de méthane d’au moins 30 % entre 2020 et 2030. Une vingtaine de pays dont le Canada, le Royaume-Uni ou encore l’Arabie saoudite ont rejoint cet engagement.

Élimination des fuites

Le méthane, dont les émissions ont augmenté de 9 % entre 2006 et 2017, est «responsable d’environ 30 % de l’augmentation globale des températures à ce jour», observe Fatih Birol, patron de l’Agence internationale de l’énergie (AIE). Gaz très courant puisqu’il est le principal composant du gaz naturel et le deuxième contributeur d’origine humaine au changement climatique après le CO2, , le méthane a une durée de vie bien plus courte que le carbone. Mais son pouvoir de réchauffement est très supérieur.
«Sa durée de vie dans l’atmosphère est plus courte que celle du CO2, douze ans seulement, contre plusieurs centaines pour le CO2. Ce qui fait que réduire les émissions de méthane limitera l’augmentation de la température plus rapidement qu’en agissant sur les émissions de gaz carbonique», souligne l’Unep, le programme des Nations unies pour l’environnement dans son rapport sur les engagements climatiques des États publiés mardi. Or ces émissions sont facilement évitables lorsqu’elles proviennent de l’exploitation du pétrole, du gaz ou du charbon. Des combustibles qui représentent un tiers des émissions de méthane liées à l’activité humaine.

Dans les hydrocarbures, beaucoup d’émanations de CH4 - la formule chimique du méthane - proviennent de fuites le long de la chaîne de production et de transport. Elles sont souvent dues à la négligence et il existe des moyens simples et même rentables de les réduire.

L’AIE estime que l’on peut éliminer plus de 70 % des émissions actuelles liées aux opérations pétrolières et gazières, en réduisant la consommation d’hydrocarbures et en agissant sur les fuites. Une très large part des émissions de méthane pourrait être supprimée gratuitement. La valeur du gaz capté est en effet supérieure au coût des mesures de d’élimination des fuites. Au cours actuel du gaz, les opérateurs peuvent même prévoir un gain. L’AIE suggère ainsi de remplacer les équipements qui laissent aujourd’hui s’échapper le gaz sur les installations, et d’opter pour des équipements de récupération ou de détection des fuites dans les champs, les pipelines et les mines.

«C’est un gâchis»

Il est facile de fermer quelques grandes sources d’émission de méthane, confirme la société Kayrros. Cette entreprise française, spécialiste de l’analyse de données et de l’observation de la Terre, utilise depuis 2019 le système de satellites européen Sentinel 5P pour évaluer les fuites de méthane sur la planète. «Nous repérons les “superémetteurs” de méthane», pour qui les émissions sont particulièrement importantes par rapport à l’énergie extraite ou transportée. En termes géographiques, «ce sont le Turkménistan puis la Russie, les États-Unis et l’Algérie. L’Australie, à cause du charbon, et la Chine figurent aussi parmi les mauvais élèves», détaille le patron de Kayrros, Antoine Rostand.

L’amélioration de la situation à un coût raisonnable paraît compliquée pour l’Algérie et le Turkménistan, dont les installations sont vieillissantes. Moscou pourrait mieux entretenir ses pipelines. L’Europe est plutôt bonne élève, avec peu d’émissions de méthane, surtout issues des mines de charbon. De manière, générale, «c’est un gâchis», pointe Antoine Rostand, dont la société travaille avec une dizaine d’États, la Commission européenne, des ONG ou de grandes entreprises soucieuses de mesurer leurs émissions. Le plus simple serait de brûler ce gaz - le torchage - sur les sites de production. «Ce serait 86 fois moins polluant que de le laisser se répandre dans la nature. Mais ce serait encore mieux de le récupérer pour l’utiliser», souligne le polytechnicien.

La réduction des émanations dans l’industrie des hydrocarbures est à portée de main mais la volonté publique a plutôt fait défaut jusqu’ici. «Chez les grands émetteurs, on pourrait éliminer en deux ans 15 % à 20 % des émissions liées aux énergies fossiles. En agissant sur des sources de plus petite taille, on pourrait en quelques années éliminer l’équivalent de 100 millions de voitures des routes, soit près de 10 % du parc mondial d’automobiles », insiste le fondateur de Kayrros. Le plus souvent sans augmenter les coûts de l’énergie.

«Si le monde parvenait à réduire de 75 % les émissions de méthane liées aux combustibles fossiles, cela réduirait les émissions totales de méthane d’origine humaine d’environ 25 %», insiste l’AIE. «L’Europe a fait son travail sur ce sujet, aux pouvoirs publics et aux consommateurs de réclamer une énergie libre de méthane à leurs fournisseurs», appuie Antoine Rostand.

Le vrai du faux