Vienne : les dérives des unités de méthanisation scrutées de près
Concurrence avec la souveraineté alimentaire, gestion des digestats, accaparement des terres… : mal pensée, une unité de méthanisation peut faire plus de mal que de bien.
Au fur et à mesure de leurs installations, les méthaniseurs agricoles rencontrent des oppositions vives. C’est le cas depuis plusieurs mois à Chauvigny où une unité est en projet. Un collectif national de vigilance méthanisation (CSNM) a vu le jour il y a plusieurs années.
Un collectif dénonce « les impasses faites dans la précipitation »
Il se fait le relais d’oppositions dans les territoires pour alerter sur les nuisances locales, le transport routier lié à ces unités, la sécurité, les impacts sur les sols et la biodiversité dus à l’épandage des digestats, dont l’infiltration dans les nappes d’eau souterraines peut être source de pollution. Le CNSM dénonce notamment « les impasses faites dans la précipitation de la mise en œuvre de cette filière, par ailleurs largement subventionnées par l’État et les collectivités territoriales », sous couvert de la lutte contre les gaz à effets de serre. Ces critiques ne sont pas sans rappeler celles émises sur les filières éoliennes ou photovoltaïques.
À l’origine, c’était pour valoriser les déchets. Aujourd’hui, beaucoup d’unités produisent des cultures pour les nourrir. Il y a même des agriculteurs qui irriguent des cultures pour leur méthaniseur !
Nicolas Fortin
« Ce qui me gêne avec les méthaniseurs agricoles est d’y introduire autre chose que des déchets, comme les cultures dédiées, ce n’est pas possible », s’indigne Marie Legrand, pour Vienne nature. L’accaparement des terres pour nourrir un méthaniseur inquiète aussi la Confédération paysanne. « Nous ne sommes pas contre la méthanisation mais la façon dont elle se développe, estime Nicolas Fortin, secrétaire national du syndicat agricole. À l’origine, c’était pour valoriser les déchets. Aujourd’hui, beaucoup d’unités produisent des cultures pour les nourrir. Il y a même des agriculteurs qui irriguent des cultures pour leur méthaniseur ! Il ne faut pas que la production d’énergie vienne en concurrence avec la souveraineté alimentaire. »
La Conf' estime que le plafond de 15 % de cultures principales est « beaucoup trop élevé pour permettre d’éviter des accaparements de terres massifs ». Quant à l’utilisation des digestats sur les sols, des critiques sont émises sur les risques sanitaires liés à l’absence de contrôle. « Des résidus d’antibiotiques et des bactéries peuvent se retrouver dans les sols, et à terme dans l’eau, participant ainsi au cycle de l’antibiorésistance », estime le syndicat.