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Pour Catherine MacGregor, la patronne d'Engie, la décarbonation du gaz naturel va prendre plus de temps que prévu


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La directrice générale d'Engie a admis que la décarbonation du gaz naturel, qui consiste à le substituer par du biogaz ou de l'hydrogène propre, prenait plus de temps que prévu. Ce retard n'est pas une surprise, mais c'est la première fois qu'un grand acteur de la filière gazière l'assume aussi clairement. Or, pour cette industrie en déclin, le « verdissement » du gaz est un enjeu crucial.

« La décarbonation de la molécule va prendre plus de temps ». C'est ce qu'a répété à plusieurs reprises Catherine MacGregor, la directrice générale d'Engie, lors d'une rencontre organisée par l'Association des journalistes de l'énergie (AJDE) le 22 mars dernier. Si cette déclaration n'est pas une surprise, elle n'en demeure pas moins anodine.

En effet, « la molécule » (formule qui désigne le gaz naturel émetteur de CO2) représente encore une très grande partie de l'activité du groupe tricolore, même s'il investit, en parallèle, massivement dans le développement des énergies renouvelables électriques.

Un grand acteur du gaz

Certes, Engie ne produit plus de gaz, mais le groupe en reste un grand négociant. L'entreprise achète du gaz pour ensuite le revendre, le transporter, le stocker, le distribuer, a résumé la dirigeante devant les journalistes. Et si Engie s'est hissé au rang de premier développeur de parcs solaires et éoliens terrestres en France, l'ex-GDF Suez détient encore de nombreux actifs gaziers.

L'entreprise est ainsi l'unique actionnaire de GRDF, le gestionnaire du réseau de distribution de gaz, qui représente 96% des quantités de gaz naturel distribuées en France. Le groupe détient également près de 61% du capital de GRTgaz, gestionnaire du principal réseau de transport de gaz dans le pays. Sa filiale Storengy est, elle, spécialisée dans le stockage souterrain de gaz tandis qu'Elengy, filiale de GRTgaz, exploite trois des quatre terminaux méthaniers de France (sans compter le terminal flottant, mis en service en début d'année par TotalEnergies).

Le groupe français a donc évidemment tout intérêt à ce que le gaz ne soit pas oublié dans la transformation à venir du système énergétique tricolore, impliquant une importante électrification des usages. « La transition énergétique doit reposer à la fois sur l'électron ET sur la molécule », est ainsi devenu le mantra de l'entreprise, qui défend le rôle du gaz, notamment pour aplanir la pointe électrique l'hiver. Dans ce contexte, admettre que « la décarbonation de la molécule prendra plus de temps que celle de l'électron », n'avait jamais été aussi assumé publiquement auparavant.

D'autant, que pour l'ensemble de la filière gazière, l'enjeu de la décarbonation est crucial. « S'ils ne veulent pas disparaître, les gaziers doivent remplacer dans leurs tuyaux le gaz naturel par du biogaz ou de l'hydrogène », relève un bon connaisseur du secteur, qui compare l'industrie gazière d'aujourd'hui à celle du charbon dans les années 1960 : « Une industrie en régression ».

Cible hydrogène repoussée

Pour autant, ce retard est loin d'être une surprise. Engie avait déjà fait savoir qu'il repoussait ses objectifs en matière d'hydrogène vert de cinq ans. Le groupe vise désormais 4 gigawatts de capacités d'électrolyse à l'horizon 2035, contre 2030 initialement. Ce report est à la fois lié à l'absence de demande compte tenu de la cherté de l'hydrogène produit par électrolyse de l'eau et dont l'écart avec l'hydrogène gris se creuse au fur et à mesure que les prix du gaz naturel baissent sur les marchés.

Catherine MacGregor a également évoqué un « sujet industriel », lié au manque de fiabilité des électrolyseurs de puissance ainsi qu'un « aspect réglementaire », faisant référence à « une réglementation très exigeante pour classifier l'hydrogène vert », imposée par Bruxelles, reposant notamment sur le critère d'additionnalité. Quant au développement d'un marché mondial autour de cette minuscule molécule, « il faudra également s'assurer que la régulation est compatible d'un pays à l'autre », a aussi averti la dirigeante.

« L'objectif de 40 gigawatts [de capacités d'électrolyse, ndlr] en 2030, je n'y crois pas. Je pense que c'est très ambitieux (...). Cela va prendre plus de temps », a ainsi estimé la directrice générale du groupe, questionnée sur la feuille de route établie par l'association industrielle Hydrogen Europe en 2020.

Creux de production et incertitude sur le biométhane

La décarbonation de la « molécule », ne passe toutefois pas uniquement par la production d'hydrogène vert. La filière gazière parie également largement sur la production de biométhane, fabriqué notamment à partir de la fermentation de matières agricoles.

Il représente, pour l'heure, moins de 5% de la consommation totale de gaz en France. Sur ce point, Catherine MacGregor s'est montrée plus optimiste et a ainsi évoqué un « bon alignement » entre l'objectif de 50 térawattheures (TWh) à l'horizon 2030, fixé dans la stratégie française pour l'énergie et le climat, et les 60 TWh plébiscités par la filière. Ce qui équivaut environ à 15% de biogaz injecté dans le réseau. « Nous sommes plutôt sur les mêmes objectifs », a-t-elle estimé.

Reste que ladite filière anticipe un creux dans la production de biogaz entre 2024 et 2026 en raison de la baisse du nombre de projets initiés entre 2020 et 2022. Et ce, en raison de la faiblesse du tarif de rachat du biogaz au regard de la hausse des coûts de développement et de fonctionnement liés à l'inflation. Le creux devrait laisser place à « un plateau au-delà de 2026 », a tenté de rassurer en début d'année, Sandrine Meunier, tout juste nommée directrice générale de GRTgaz. A plus long terme, le gisement de biométhane reste, lui, incertain. Début février, le régulateur de l'énergie a ainsi recommandé le lancement d'une étude pour définir plus précisément ce potentiel.

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