Fin mars 2024, la Région Normandie a décidé de reprendre l’instruction des dossiers de méthanisation, après avoir trouvé un accord avec les services de l’État sur le contrôle des installations.
Vice-président de la Région Normandie, Hubert Dejean de la Bâtie, chargé de la transition environnementale et énergétique, détaille le procédé de mesures pour tenter de freiner les abus constatés.
Quelle est la nature du protocole de contrôle passé avec les services de l’État ?
Déjà, j’aimerais revenir sur le point de départ : les dérives. Nous avons été alertés par le monde agricole, qui nous disait que des agriculteurs achetaient du maïs à outrance à l’extérieur, pour le mettre dans les méthaniseurs.Ils trichaient sur les déclarations et déréglaient complètement les marchés. Il n’y avait plus d’ensilage à donner aux bêtes… Bref, cela devenait incontrôlable. Hervé Morin a demandé à vérifier le bien-fondé de ces dires. Il a demandé trois fois au préfet de Région et n’a pas obtenu de réponse. Alors, il a décidé de stopper les subventions. Le souci, c’est qu’en punissant les mauvais, on pénalise aussi les bons… Et dans le Perche par exemple, il y a beaucoup de bons, car c’est une terre d’élevage.
Le préfet de Région vous a donc donné des garanties ?
Nous allons surveiller de près. D’abord, nous allons lancer des audits pour vérifier les conformités des installations et surveiller encore les critères d’éligibilité, pour ne pas subventionner n’importe quoi. Mais nous allons travailler avec la Dréal pour organiser des contrôles. Ils seront dans un premier temps documentaires. C’est-à-dire que quand l’agriculteur fait son plan de culture et d’élevage, il devra prouver qu’il a assez de matières pour alimenter son méthaniseur sans aller acheter des intrants ailleurs. Rappelons que la méthanisation est faite en priorité pour l’élevage. Les cultures intermédiaires sont autorisées, tout comme 15 % des cultures principales, mais ce n’est pas l’esprit du procédé. Pour être concret, si on voit un très gros méthaniseur avec un agriculteur qui possède seulement 10 vaches, on va se poser des questions et on pourra déclencher une visite de contrôle sur site. Nous avons tablé sur 25 contrôles documentaires dans un premier temps, puis sur site, si nécessaire.
N’est-ce pas trop peu, pour les 200 installations en fonctionnement en Normandie ?
Nous serons vigilants sur les déclarations faites. Si on repère des anomalies, on se réserve le droit d’engager des sociétés pour faire des contrôles supplémentaires sur place.Évidemment, la Région n’a aucun pouvoir de contrôler une unité qu’elle n’a pas subventionnée. Mais la Dréal peut tout à fait saisir la Police de l’environnement pour agir.
Que se passera-t-il si des anomalies sont mesurées ?
Il peut y avoir des sanctions si l’OFB, l’Office français de la biodiversité, relève des infractions. Et concernant la Région, Hervé Morin a été très clair dès le début : chaque agriculteur qui a perçu des subventions a signé une charte.Celui qui ne respecte pas les consignes devra rembourser les aides perçues. C’est exactement pareil avec la PAC. Mais que les agriculteurs se rassurent, pour eux il n’y a aucune contrainte administrative supplémentaire.
Avec les recours administratifs et la flambée des prix des matières premières, plusieurs méthaniseurs pourraient ne jamais voir le jour. C’est un risque pour la filière ?
On mise toujours sur 300 méthaniseurs à terme. C’est vrai, il y a un ralentissement à cause de l’inflation et de la baisse du prix du gaz. Mais de nouvelles taxes vont voir le jour sur les énergies fossiles et la demande sur le biogaz va devenir forte. La filière a un bel avenir et certains agriculteurs commencent même à nous demander comment installer un système d’autoconsommation. C’est-à-dire avoir une station de gaz à la ferme pour alimenter les engins agricoles. Un jour, cela se fera, c’est certain.