Méthanisation dans l’Orne : « la filière va dans la démesure », estime un chercheur
La méthanisation, la production de gaz à partir de matières organiques, dont des déchets agricoles, connaît une croissance forte dans l’Orne. Mais cette énergie subventionnée par l’État n’est pas viable à long terme, estime Daniel Chateigner, professeur à l’université de Caen et membre du collectif scientifique national Méthanisation raisonnée.
La filière méthanisation se développe fortement dans l’Orne ces dernières années. En 2024, le département compte soixante unités de méthanisation en fonctionnement. D’autres projets sont en cours. Cette énergie subventionnée par les pouvoirs publics n’est pas viable à long terme, selon Daniel Chateigner, professeur à l’université de Caen et membre du Collectif scientifique national Méthanisation raisonnée.
Quelle est votre analyse sur le développement de la méthanisation dans l’Orne ?
Le département compte une soixantaine d’unités de méthanisation en 2024. À l’horizon 2026-2028, le département pourrait compter 85 installations. À l’échelle du territoire, il y aura un méthaniseur tous les sept kilomètres. Il n’y aura pas assez de surface pour les alimenter. Les agriculteurs mettent du maïs pour compléter les effluents (déchets agricoles). C’est une filière qui va dans la démesure.
Pour quelles raisons ?
La méthanisation ne vit que grâce aux subventions. Beaucoup d’aides financières sont accordées à la construction de méthaniseurs et au rachat du gaz. Le rachat du gaz est subventionné en moyenne à 150 € le mégawattheure. C’est 5 milliards dans le budget de l’État. S’il n’y avait pas ça, la filière ne serait pas viable financièrement. L’énergie retirée par cette technologie est infime. C’est de loin la moins efficace des énergies renouvelables. Si on veut arrêter de consommer du gaz naturel, il faudrait 30 000 méthaniseurs en France.
Les agriculteurs disent que la méthanisation leur assure une garantie économique…
Pour amortir la construction d’un méthaniseur, il faut attendre en moyenne sept ans. Alors oui, un agriculteur qui se voit proposer un revenu fixe de 1 500 €, il signe tout de suite. Mais pourquoi le business plan s’arrête au bout de quinze ou vingt ans ? Les digesteurs sont corrosifs. Les frais de maintenance dès la première année, c’est 10 000 €. Le chiffre se multiplie par dix, puis vingt au bout de vingt ans. Après, il faut reconstruire. Économiquement, ce n’est pas tenable.