Les gaz renouvelables se désespèrent d'attendre un nouveau coup de pouce de l'Etat
La filière, réunie pour son congrès annuel, a demandé une adaptation de la fiscalité. Certains se plaignent d'un ralentissement de la méthanisation, d'autres souhaiteraient des moyens pour développer de nouvelles technologies…
La filière gazière a l'impression d'être le parent pauvre de la transition énergétique. Et elle veut une fiscalité spécifique aux gaz renouvelables.
« La fiscalité énergétique française ne fait aucune distinction entre le gaz d'origine fossile et le gaz renouvelable, a lancé Jean-Marc Leroy, président de France Gaz, l'association professionnelle du secteur, en introduction de son congrès annuel jeudi. Nous voulons profiter du prochain projet de loi de finances pour remettre à plat la fiscalité. »
France Gaz voudrait ainsi un taux de TVA réduit pour les offres de gaz des opérateurs contenant plus de 50 % de biométhane et une exonération du tarif d'accise pour les consommateurs de « gaz vert ». L'organisation propose aussi une simplification des démarches pour les porteurs de projet de méthanisation, avec la création d'un coffre-fort numérique et d'un guichet unique au sein de l'administration. Enfin, elle soutient la création d'un fonds de garantie pour les porteurs de projet de méthanisation. L'an dernier, elle avait obtenu une revalorisation des tarifs d'achat de l'Etat, qui subventionne encore le modèle, en France.
TotalEnergies vers les Etats-Unis
La filière est d'autant plus remontée qu'elle attend toujours la publication d'un décret sur les certificats de production de biogaz (CPB), obligeant les fournisseurs de gaz à déclarer à leurs clients leur taux d'incorporation de biométhane. Et qu'elle est la seule, parmi les énergies renouvelables, à avoir atteint ses objectifs.
« Nous nous donnons les moyens d'atteindre nos objectifs de 20 % de biométhane dans la consommation à 2030, ce qui correspond symboliquement au remplacement des importations de gaz russe, a ajouté le président d'Engie, Jean-Pierre Clamadieu. Nous pouvons même les dépasser. » La capacité installée atteint aujourd'hui 12 TWh en France, et l'objectif est de passer à 60 TWh à l'horizon 2030.
Pourtant, certains s'impatientent. A commencer par Patrick Pouyanné. Le PDG de TotalEnergies s'est étonné jeudi de la lenteur du gouvernement sur ce dossier.
« Cela surprend toujours, quand on sait que ce sont des ressources locales, non délocalisables, s'est-il lamenté. Comme ça n'avance pas vite en France, on regarde aux Etats-Unis. Ce que l'on a pu faire en cinq ans en France, on sera capable de le faire en un an là-bas. » La taille des exploitations permettrait d'y faire des économies d'échelle et les permis seraient beaucoup plus faciles à obtenir.
Valorisation des déchets
En attendant, pour atteindre ses objectifs ambitieux, la filière entend développer la production de gaz renouvelable à partir d'autres technologies. Mais se heurte, là aussi, à des arbitrages qui ne lui sont pas vraiment favorables. Un appel à projets sur la pyrogazéification , promis par le gouvernement, est, par exemple, toujours attendu…
Cette technologie consiste à chauffer à très haute température des résidus solides pour en extraire du méthane, qui doit être purifié pour être injecté dans les réseaux. Le potentiel serait intéressant, à hauteur de 6 TWh en 2030 et 90 TWh en 2050. Et il viendrait en complément de la méthanisation, les intrants n'étant pas les mêmes. Ceux utilisés lors de la pyrogazéification sont aujourd'hui peu valorisés (déchets d'ameublement, agricoles, certains déchets industriels, voire des plastiques…)
Engie prévoit d'investir 3 milliards d'euros dans le biogaz d'ici à 2030
GRTGaz a aussi lancé, il y a quelques jours, un appel à manifestation d'intérêt sur la gazéification hydrothermale, une technologie sur laquelle les Pays-Bas, par exemple, misent beaucoup. Le transporteur estime à plusieurs centaines de millions d'euros les besoins de financement pour lancer la filière. Les projets pourraient récupérer, notamment, des intrants de stations d'épuration, des poussières de bois, des microplastiques…
« Le procédé nécessite la présence permanente de l'eau comme réactif pour fonctionner, mais en quantité limitée que la technologie est en plus capable de recycler », expose Robert Muhlke, directeur de projet gazéification hydrothermale chez GRTgaz et pilote du groupe de travail national.
100 % renouvelable en 2050 ?
GRTgaz a aussi commandé une étude auprès de Carbone 4, qui confirmerait que la technologie serait conforme à la directive européenne Red III sur les énergies renouvelables en réduisant d'au moins 80 % l'empreinte carbone du gaz obtenu, par rapport à un gaz d'origine fossile. Encore faut-il que les producteurs mettent en oeuvre des mesures pour limiter les fuites de méthane (à 0,5 %), qu'ils ne fassent pas appel à des équipements contenant des métaux rares ou que la source d'énergie soit bas carbone (renouvelable ou nucléaire).
Autre avantage : la technologie pourrait aussi permettre de basculer vers la production d'hydrogène. « Aujourd'hui, il existe des limites dans le stockage de l'hydrogène. Dès qu'une solution pour ce défi sera trouvée, la gazéification hydrothermale saura s'adapter et orienter aussi sa production vers ce vecteur énergétique », ajoute Robert Muhlke.
En mettant en place les conditions de son développement, les gaziers estiment que la filière pourrait être 100 % renouvelable en 2050 et que la France pourra alors se passer de gaz fossile. Dans ses estimations, la méthanisation pourrait générer 130 TWh par an en 2050, la pyrogazéification 90 TWh et la gazéification hydrothermale 50 TWh (pour un total qui se rapproche de la production nucléaire française l'an dernier).
Les autorités se montrent, elles, plus prudentes. D'une part, parce qu'il subsiste des interrogations sur la disponibilité de la biomasse, d'autre part, parce que la baisse de la consommation de gaz pourrait être plus rapide que prévu. La filière estime pourtant qu'elle est la meilleure garante de la stabilité des réseaux, pour compenser l'intermittence des énergies renouvelables.