À quand un moratoire sur la méthanisation agricole industrielle ?
Le Journal Minimal le 27 avril 2021
La méthanisation, c’est 163 accidents sur 113 sites en France, des incidents, des pollutions, des morts. Je peux fournir la carte d’accidentologie. Le tout pour un gain énergétique ridicule, et un appauvrissement des sols qui conduira à une perte progressive de souveraineté alimentaire » expliquait à nos confrères du Télégramme le physicien Daniel Chateigner, membre du CSNM, Collectif scientifique national pour une méthanisation raisonnée, après l’incendie de l’usine de méthanisation de Saint-Gilles-du-Mené (Côtes d’Armor).
Depuis, ce sont en tout 271 incidents qui ont répertoriés sur 170 sites, dont plus de 80 % sont des atteintes aux milieux naturels, à l’exemple des centaines de mètres cubes de boues (digestat) retrouvées dans un lac landais le 17 mars dernier.
CES USINES SONT DES OGRES
À l’approche des élections, tous les partis politiques repeignent en vert leur façade. Le minimum ne serait-il pas qu’ils réclament un moratoire sur la méthanisation agricole, à l’instar de la Confédération paysanne, ou au moins l’arrêt des usines de méthanisation géantes, comme la Coordination rurale ? Mais non, ce n’est pas leur priorité !
La méthanisation agricole, c’est cette technologie de « recyclage » de déchets verts qui amène insidieusement les agriculteurs à cultiver des plantes pour donner à manger aux méthaniseurs et non plus aux citoyens, et qui va conduire à la « perte de souveraineté alimentaire de la France », dont parle Daniel Chateigner. Ce professeur de physique à l’université de Caen (Calvados) ainsi qu’une cinquantaine de scientifiques essayent en vain de stopper ce train qui nous conduit collectivement aux enfers. N’est-ce pas pourtant au nom de la sacro-sainte « souveraineté alimentaire » que les néonicotinoïdes ont été réautorisés et que le glyphosate court toujours ?
CERCLE VICIEUX
La méthanisation agricole est non seulement un détournement à grande échelle des ressources alimentaires de la biodiversité pour produire du gaz, mais c’est aussi une technologie qui cause beaucoup de dégâts. En utilisant le digestat (résidu de la méthanisation) comme engrais, « on détruit la faune et les microbes des sous-sols » alertaient en 2018 les célèbres microbiologistes Claude et Lydia Bourguignon. « La méconnaissance des sols et de leur fonctionnement, ajoutaient-ils, fait qu’on se laisse embarquer dans toutes sortes d’interventions dont certaines s’avèrent particulièrement néfastes à moyen ou long terme. »
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Que c’est difficile de passer derrière la pensée dominante. D’ailleurs, tous les ministres de l’Écologie, et en premier Nicolas Hulot quand il était numéro 3 du gouvernement, ont encouragé la méthanisation agricole comme une solution positive pour la planète.
À qui profite le déni ? En l’espèce, à l’ambition politique et aux actionnaires des multinationales. Le mois dernier, ils se sont illustrés en virant le PDG de Danone ! Motif : il mettait trop de nature et de social dans son management. Éjecté sans ménagement parce que ces avares réclament 15 % de bénéfice sur chaque yaourt vendu. Quoi qu’il en coûte, et qu’importe si à l’autre bout de la chaîne, l’éleveur se balance au bout d’une corde. Même supplice pour la méthanisation, censée constituer un complément de revenu pour les agriculteurs, mais qui finalement les entraîne dans un cercle vicieux : cultiver plus pour produire plus de gaz…
ET SI ON REVENAIT À LA RAISON ?
Le développement irraisonnable de la méthanisation pourrait être vu comme un écocide au regard des nombreux accidents et des projets pharaoniques ; un écocide étant, selon le Larousse, une « grave atteinte portée à l’environnement, entraînant des dommages majeurs à un ou plusieurs écosystèmes, et pouvant aboutir à leur destruction. » D’autant plus quand l’atteinte est portée en totale connaissance de cause.
Même si nous avons mis la charrue avant les bœufs, qui nous empêche de stopper l’attelage pour le remettre dans le bon sens ? Aussi, mesdames messieurs les politiques, pourquoi ne pas décider d’un moratoire pour expertiser de fond en comble la méthanisation agricole et voir s’il s’agit d’une solution durable pour nos sols nourriciers et l’agriculture française ou d’une technologie mortifère ?