« Quels que soient les scénarios sur l’électrification des usages, il restera au moins 50 % de la consommation qui reposera sur d’autres énergies ; ces dernières devront elles aussi être décarbonées. » Julien Nyssen, président du Syndicat des énergies renouvelables (SER) donne le ton. Certes, la production et la consommation d’électricité vont fortement augmenter d’ici à 2050. Mais cela ne répondra pas à tous les usages. Le gaz devrait encore représenter 25 % à 30 % de la consommation d’énergie en France.
Or parmi les énergies renouvelables permettant d’atteindre la neutralité carbone en 2050 figurent les biogaz. Ils sont, pour l’essentiel, produits à partir de déchets agricoles, ménagers ou même industriels. En France, la filière a connu une impressionnante croissance au cours de la dernière décennie. « Pour avoir 100 % de gaz vert en 2050, 150 milliards d’euros d’investissement sont nécessaires. Dans l’électricité, selon RTE, 1 000 milliards d’euros seront nécessaires pour tout verdir », rappelle Julien Nyssen.
Aujourd’hui, 514 installations de biogaz sont raccordées au réseau, pour une production de 9 térawattheures (TWh) par an. Elle pourrait rapidement augmenter pour passer à 16 TWh, avec l’entrée en production de projets encore en développement. En 2030, la production de gaz renouvelables devrait atteindre 70 TWh, soit l’équivalent des importations de gaz russes avant la guerre en Ukraine.
Mais, au-delà de ces quelques clignotants au vert, la plupart des signaux sont passés au rouge, relève le SER dans son dernier « Panorama des gaz renouvelables ». Il alerte sur un brusque coup d’arrêt, avec un tarissement des nouveaux projets dès 2024. Une des raisons est le tarif de rachat du gaz, arrêté en 2020, avant la flambée des prix. « Le tarif de rachat du gaz a été fixé à un niveau qui n’est pas réaliste, compte tenu de la hausse des prix de l’énergie, dont ceux de l’électricité nécessaire au fonctionnement des méthaniseurs (pour produire du biométhane) » souligne Laurence Poirier-Dietz, directrice générale de GRDF.
Pour y remédier, le SER « appelle à réviser le tarif d’achat du biométhane qui a été mal calibré en 2020 et qui ne tient pas compte du contexte récent ». Autre demande des acteurs de la filière : la publication du décret d’application des certificats de production de biogaz (CPB), ce qui devrait tirer l’usage du biométhane. Ce gaz (mélange de méthane - le gaz naturel - de CO2 et d’azote) présente aussi l’avantage de pouvoir être utilisé par les industriels comme par les particuliers sans nécessité de changement d’équipement.
Plusieurs filières existent
« Il existe d’autres filières de gaz renouvelables », ajoute Thierry Trouvé, directeur général de GRTgaz. Derrière la méthanisation, se cachent d’autres technologies : la gazéification hydrothermale, la pyrogazéification et enfin, l’électrolyse avec ou sans méthanisation pour produire du méthane ou de l’hydrogène. Toutefois, ces technologies sont encore loin d’être matures. Elles en sont soit au stade de pilotes industriels, pour la gazéification hydrothermale, soit au stade de projets industriels pour les deux suivantes.
À l’horizon 2050, elles devraient contribuer à plus de la moitié de la production française de gaz renouvelables. « 2023, est l’année de la prochaine PPE (programmation pluriannuelle de l’énergie), il n’y a donc pas de temps à perdre. Le pays fait face à un enjeu de diversification trop important. Il ne faut se priver d’aucune source de revenus et assurer la souveraineté énergétique », ajoute Thierry Trouvé.
D’autant que la France n’est pas seule en lice pour la promotion de cette filière. L’Europe compte 1 203 sites de méthanisation, pour une production de 40 TWh. Ces installations utilisent à 83 % des intrants agricoles. L’objectif est de parvenir à 900 TWh en 2050, ce qui correspond à l’intégralité des besoins européens en gaz.