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Coup dur pour la méthanisation dans le Lot : une demande nationale d'arrêt des épandages

  — Jean-Claude Bonnemère — 23 mars 2023


En demandant à la préfète du Lot l’arrêt des épandages de digestat sur les « zones karstiques très vulnérables », Jean Launay donne la mesure de la gravité de la situation au regard de la nécessité primordiale d’assurer la protection de la ressource en eau.

Jean Launay, ancien député du Lot, membre honoraire du Parlement, président du Comité National de l’Eau (CNE) s’est adressé à Mme Mireille Larrède, préfète du Lot, ce 17 mars 2023. Dans une lettre que La Vie Quercynoise a pu se procurer, Jean Launay demande un arrêt de l’épandage de digestat, « sur toutes les parcelles situées en zones karstiques très vulnérables ». Jean Launay fait valoir également un « médiocre état écologique et un mauvais état chimique » de la masse d’eau de la rivière Célé, depuis le confluent du Drauzou jusqu’au confluent du Lot. Cette démarche inédite souligne la gravité de la situation face aux enjeux de l’eau dans notre département, et elle marque un tournant décisif après la sécheresse de l’été 2022 et de la période hivernale qui s’achève avec des niveaux d’eau encore très bas. Voici la lettre de Jean Launay à la préfète du Lot.

Lettre ouverte à la Préfète du Lot

« L’enquête publique concernant le plan d’épandage de Bioquercy à Gramat, est en cours ; et je viens de m’y exprimer en tant qu’habitant de la commune de Carlucet, incluse dans le nouveau périmètre. Mais, par ce courrier, c’est en ma double qualité d’administrateur de l’Agence de l’eau Adour Garonne et Président du Comité National de l’Eau que je m’adresse à vous.

Le digestat issu du méthaniseur de Bioquercy a la particularité d’être riche en azote minéral ; il est immédiatement utilisable par les plantes s’il est apporté au bon moment et à la bonne dose, mais aussi directement lessivable vers les ressources en eaux souterraines si ces conditions ne sont pas réunies. L’épandage de ce digestat peut donc engendrer une pollution nouvelle par rapport aux effluents épandus aujourd’hui s’il n’est pas totalement maîtrisé et s’il a lieu sur des parcelles situées en zones karstiques très vulnérables. C’était déjà le cas lors de l’enquête publique de 2017, et j’en avais fait la remarque par courrier adressé à votre prédécesseur de l’époque. C’est encore le cas aujourd’hui et j’ai demandé, dans la consultation dématérialisée en cours, le retrait de toutes les parcelles situées en zones karstiques très vulnérables.

Par ailleurs, le tableau 16 (SDAGE 2022-2027) précise que l’ensemble de la zone d’étude croise 14 grandes masses d’eau superficielles et en donne à la fois l’état et les objectifs de qualité. La masse d’eau intitulée « Le Célé du confluent du Drauzou au confluent du Lot (code FRFR 663) » est qualifiée d’un médiocre état écologique et d’un mauvais état chimique, avec des objectifs respectifs de bon état en 2027 pour l’état écologique et de bon état 2039 pour l’état chimique.

Je crains donc que le retard constaté sur cette masse d’eau ne soit pas comblé ; je suis même convaincu qu’il sera significativement aggravé parce que 14 des 17 communes seront demain concernées dans ce sous bassin-versant et soumises au nouveau plan d’épandage. Je cite Cambes, Corn et Les Pechs-de-Vers ajoutées dans le plan d’épandage en 2022. Je cite aussi Assier, Caniac-du-Causse, Cœur-de-Causse, Espédaillac, Le Bourg, Livernon, Sonac, Soulomès, Théminettes maintenues dans le plan d’épandage. Je cite enfin Issepts et Le Bastit qui figuraient déjà dans le périmètre potentiel de l’épandage sans toutefois avoir des parcelles inscrites. J’en appelle donc à la cohérence de l’action publique sur ces deux points précis ! Il ne me semble pas envisageable que votre avis final à la clôture de l’enquête publique soit favorable à la fois sur l’ensemble des zones karstiques vulnérables et sur toutes les parcelles des 14 communes déjà citées, rattachées à la masse d’eau FRFR 663.

La raréfaction de la ressource en eau et les épisodes récurrents de sécheresse que connaît notre pays, nous imposent la plus grande vigilance sur la qualité de l’eau restant disponible. À cet égard, le département du Lot doit continuer d’être exigeant sur la qualité de son environnement. »

Le défi majeur de l'eau

« Le sujet de la méthanisation nous renvoie à la gestion qualitative de l'eau et celui de la sécheresse de l'été dernier, suivie de la sécheresse hivernale que nous connaissons, à la gestion quantitative de l'eau. Cette double préoccupation de la gestion de l'eau se conjugue aussi avec la dimension internationale, d'où l'importance de la planification écologique avec le chantier eau, lancé par le Gouvernement. Ces triples défis s'imposent à nous dès aujourd'hui et pour les générations futures ! » Jean Launay